Sanctuaire d'Alarin: Une mission à confier [Aël]

Dieu des Ombres

Alarin apparut de nulle part dans ses appartements terrestres. Il s'agissait d'une pièce énorme, occupée par une table richement ouvragés, des chaises (celle au sommet de la table était plus grande et taillée dans du granit). Mais le meuble-maître était le lit, pouvant abriter cinq personnes sous son baldaquin bleu-foncé. Comme la ville, ce lieu dépourvu de fenêtres, était éclairé par des lumières bleutées. Il s'étira et s'installa sur son petit trône. Il était pensif.

En effet, plutôt dans la journée il appela deux de ses grands-prêtres et leur ordonna de trouver un architecte. Un très bon architecte. Il leur donna même un nom: Aël Ithun. Cette jeune ombre était parmi les plus doués de Sanctis et avait l'avantage d'être un croyant dévoué. Alarin l'observait depuis un moment et un plan machiavélique se dessinait dans sa tête. Une idée pour causer du tort à sa sœurette et étendre le pouvoir de son propre peuple, trop écrasé depuis un moment. Il fallait s'y prendre avec prudence, car l'ennemi était de taille. Mais cela pouvait réussir. Le jeune homme en question, cet Aël, disposait des pouvoirs nécessaires et d'un esprit vif et froid. Cela était parfait.

Même si le dieu le connaissait déjà très bien, il était impatient de le rencontrer. Il cacha ce sentiment derrière un petit sourire amusé. S'il possédait bien beaucoup de caractéristiques des mortels (après tout, ils avaient le même Père), il ne fallait pas le montrer. Cela pourrait briser l'image qu'on avait de lui. Et c'était très important, l'image. Les générations de prêtres avaient travaillé dessus, ce serait dommage de jeter tout cela aux oubliettes...

Ah! Dans quelques instants, les deux émissaires allaient ouvrir la Porte titanesque du sanctuaire et laisser entrer l'architecte élu. Parfait! Les deux yeux rouges d'Alarin étincelaient dans le noir, avec un certaine joie...

Architecte

Aël était chez lui à dessiner des plans pour un de ses clients lorsqu'on frappa à sa porte. Il fut d'abord irrité d'être dérangé, mais cette irritation fit bien vite place à de la curiosité en voyant qui étaient ses visiteurs... Deux haut-prêtres du Temple d'Alarin, leur Père à tous! Que se passait-il donc? Il était fervent croyant, mais n'avait jamais imaginé que de si éminents personnages se déplaceraient en personne chez lui...

Il n'hésita pas une seconde à leur ouvrir, pas plus qu'il n'hésita à les suivre lorsque ceux-ci le lui demandèrent, sans ajouter plus d'explications. Après quelques minutes de marche à travers la ville, ils arrivèrent au Temple... Quelqu'un d'important voulait donc le voir? Qui donc? Une curiosité respectueuse - il ne plaisantait pas avec le culte - s'était emparée de lui.

Il passa d'abord les portes du Temple, guidé par les deux grands-prêtres, puis ceux-ci le menèrent dans une partie du Temple qu'il n'avait jamais vue. Lorsqu'il les interrogea à ce sujet, les prêtres répondirent simplement "Le Sanctuaire". Qui allait-il donc rencontrer là-bas? Un grand-prêtre particulièrement important? Leur chef, peut-être? Et pourquoi lui? Un instant, l'idée que ce soit pour ses talents d'architecte lui effleura l'esprit, mais il la rejeta quasi immédiatement. Ridicule... Ils devaient disposer de bien meilleurs architectes que lui au Temple, non?

Il arriva devant deux autres portes, immenses. Les grands-prêtres lui firent signe d'entrer, avant se se poster de chaque côté de la porte et d'en manoeuvrer les battants, qui paraissaient lourds. La porte s'ouvrit sur une salle gigantesque, contenant un lit, une longue table et des chaises, baignée dans une douce lumière bleutée.

Aël regarda un instant autour de lui, mais n'eut pas de peine à repérer les yeux rouge sang qui semblaient étinceler dans l'obscurité. Lorsqu'il regarda la personne qu'il avait en face de lui, il ressentit une sensation étrange, indéfinissable... La personne en face de lui était entourée d'une aura... quasiment mystique. Elle semblait puissante, très puissante même...

L'architecte s'avança de quelques pas dans la pièce, puis s'inclina profondément, la main droite sur le coeur. Nul doute qu'il devait le respect à l'Ombre en face de lui et non l'inverse... Mais comment devait-il l'appeler? Il ne connaissait ni son rang, ni son titre... Et un simple "Monsieur" aurait peut-être fait trop irrespectueux, non?

- Monseigneur...

Sa voix était grave et vibrante, empreinte de respect. D'une pointe d'interrogation contenue aussi, peut-être, mais il espérait que cela ne se remarquait pas trop... Après tout, il ne savait ni à qui il s'adressait, ni pourquoi il était là...

Dieu des Ombres

Eh oui, il avait raison. Ses magistrats sur Haath étaient assez compétents pour trouver un homme dont ils connaissaient le nom. Et il était là, à quelques mètres. Plus de doutes, regarder en face, voir en vrai, c'est bien mieux qu'à travers le brouillard de la réalité, à travers la barrière séparant les mondes, le divin du mortel. L'architecte s'avéra être plus séduisant et plus charmant que ce qu'il ne l'avait imaginé. C'était bien un de ses fils, une miniature très réussie de lui. Sa voix résonna dans le silence de ce lieu saint et elle fut une musique pour les oreilles d'Alarin. Il s'imagina ce que cela pourrait faire comme effet de l'entendre murmurer des mots de désir à l'oreille... Sans doute cela pourrait être magnifique. Cependant, ils avaient du travail et le temps n'était pas inépuisable. Il y en avait cependant assez pour jouer un minimum avec ce jeune homme prometteur.

Si son salut, plein de respect et très gracieux, était plus que satisfaisant, le terme employé témoignait de son ignorance. Mais on ne pouvait lui en vouloir pour cela. Au mieux, seule la rumeur disait que le Père se manifestait au Temple. Aël devait sans doute croire qu'il s'agissait là d'un autre bureaucrate et cette idée l'amusa. Son sourire s'étira un peu. Lorsqu'il prit la parole, sa voix n'eut aucun échos audible. Chaque mot résonnait dans la tête, au point qu'on ne pouvait être sûr s'il parlait en articulant ou par télépathie. Son visage, un peu à l'ombre, ne permettait pas de le voir. Et ce fut une voix douce, pleine de charme et de sensualité.

"Bienvenue, mon garçon. Entre... Je suppose que ces deux braves hommes ne t'ont encore rien dit, n'est-ce pas?"

Bien sûr que non. Cela pour la simple raison qu'ils ignoraient tout de ce rendez-vous, mis à part l'identité d'Alarin. La mission, que le dieu voulait confier à cette ombre relevait d'un de ses plans secrets. Les grands-prêtres n'avaient pas besoin de ce genre d'informations. Le regardant, sans le lâcher du regard, Alarin s'adressa encore une fois à son invité.

"Je suis sûr que Tu dois avoir beaucoup de questions... Avant de te dire ce que j'attends de Toi, je suis disposé à y répondre. Mais sois bref."

Test. Un esprit d'architecte brillant devrait pouvoir se concentrer sur l'essentiel. Et quelles allaient être ses questions? Très important ce raisonnement. Incapable de lire les pensées, le dieu devait avoir recours à ce genre de tours. Ce qui lui réussissait plutôt bien. La longueur de la table les séparait. Dix places de chaque côté de la table, un trône au sommet opposé. C'est ici que se tiennent les conseils les plus importants des grands-prêtres. C'est ici que sont prises les décisions cruciales pour la race des Ombres. Sans doute, l'avenir de celle-ci allait dépendre de cette conversation. A plus ou moins grande échelle...

Architecte

La voix de cette Ombre... Elle était douce, chaude, sensuelle. Agréable à entendre. Un peu étrange aussi, car Aël avait l'impression de ne pas entendre les mots, mais bien qu'ils résonnaient dans sa tête... C'était peut-être le pouvoir de l'Ombre qu'il avait en face de lui, la télépathie... Enfin, cela ne le regardait pas. Lui-même affichait très clairement son pouvoir, mais ce n'était pas le cas de tous... Peut-être l'Ombre en face de lui voulait-elle le garder caché...

"Bienvenue, mon garçon. Entre... Je suppose que ces deux braves hommes ne t'ont encore rien dit, n'est-ce pas?"

Aël nota deux choses à propos de cette phrase, prononcée par son interlocuteur: la première, il la connaissait déjà, mais cela lui confirmait que cette Ombre était bien plus importante que lui, et que c'était lui qui lui devait le respect. La deuxième, plus étonnante déjà, était que cette Ombre était également plus importante que les grands-prêtres... Aël était de plus en plus intrigué, pourtant, il enfouit cette curiosité au plus profond de lui, la montrer aurait été d'une impolitesse...

"Non, en effet, ils ne m'ont rien dit..."

Il avait répondu de la même voix basse, chaleureuse, respectueuse. Il ne voyait pas quoi ajouter d'autre, après tout, c'était l'autre qui avait le contrôle de la situation...

"Je suis sûr que Tu dois avoir beaucoup de questions... Avant de te dire ce que j'attends de Toi, je suis disposé à y répondre. Mais sois bref."

... Beaucoup de questions? En fait, il n'en avait que deux, desquelles rayonnaient toutes les autres... Il souhaitait connaître l'identité de son interlocuteur, et ce qu'il attendait de lui. Mais pour cette deuxième partie, il semblait disposé à le lui dire sans qu'il pose la question... Ce qui le laissait avec une seule et unique question en tête. Mais il ne pouvait décemment pas poser la question "qui êtes-vous" à cette Ombre, il casserait probablement l'image repectueuse qu'il avait donnée de lui jusqu'à présent... Et il n'avait pas envie de casser cette image, pas du tout.

"Aurais-je l'honneur de savoir qui vous êtes?"

Sa question pouvait sembler sarcastique, s'il ne l'avait pas prononcée avec le plus grand respect, et la plus grande sincérité aussi. Il ne doutait pas que l'Ombre en face de lui soit quelqu'un d'important dans la société. Et par conséquent, il considérait comme un honneur le fait qu'elle se présente à lui... Ces réflexes, et son certain sens de l'humilité perdu par beaucoup d'aristocrates, venaient du fait qu'il s'était construit lui-même, venant d'un milieu modeste. Maintenant, il pouvait côtoyer les plus grands... Mais faisait toujours preuve de ce respect dicté par le milieu dans lequel il était né. C'était peut-être d'ailleurs grâce à cela qu'il avait si bien réussi...

Il croisa le regard écarlate de son interlocuteur, et garda ses yeux rivés aux siens. Il avait toujours trouvé cela fascinant, les yeux rouges, les yeux mordorés, les yeux mauves... Lui-même avait des yeux gris-bleu - un magnifique gris-bleu, quand même - mais c'était d'un banal... Son regard n'était pas inquisiteur pour autant. C'était juste un contact visuel qui devait clairement laisser transparaître le respect qu'il avait pour l'autre, mais également, un léger éclat disant qu'il n'était pas prêt à accepter n'importe quoi... Réflexe d'architecte. Lorsqu'on est architecte, on négocie, et lorsqu'on négocie, il faut savoir ne pas céder...

Dieu des Ombres

Test réussit. Un comportement très adapté à la situation. Une politesse sincère, c'est prudent. Et une question bien choisie aussi. Enfin, Alarin ne tiendrait sans doute pas toute la conversation qu'ils allaient avoir, sans dire ou laisser entendre avec qui Aël parlait. Mais sans doute, son raisonnement lui indiqua que c'est la seule à laquelle il risque de ne pas obtenir la réponse. C'était très bien vu. Cela laissait aussi entendre que l'architecte ne prêtait pas trop d'importance aux rumeurs. En voilà une bonne chose.

Même dans l'ombre, il était facile de deviner que le sourire fin du dieu s'étira à en devenir encore plus malin et satisfait. Ses yeux pétillants donnaient cependant un air amusé, et un peu enfantin, à son visage, sans rien perdre de sa sensualité. Certes, les deux divinités n'étaient rien d'autre que des enfants avec de grands jouets... Mais en attendant, il y avait une réponse à donner. Il posa les coudes sur la table, entremêla les doigts de ses mains et posa son menton dessus..

"Oui, bien sûr, mon fils. J'en oublie les usages... Je suis celui qui préside à tous les Conseils des grands-prêtres, je suis celui que mena au combat tous les ancêtres de ton peuple, je suis celui que Tu pries tous les jours..."

Comment va-t-il réagir? Ceci allait être un autre test. Mais, au fond, toutes les réponses seront bonnes. Le choix du dieu était déjà fait. Maintenant, il jouait. Aël allait recevoir cette mission qu'Alarin ne voudrait avoir accomplie par aucun autre. Cette ombre-ci était un élu de sa race. Bien entendu, ce ne fut pas le premier. Chaque mission eut son élu et, durant les siècles, il y en a eu beaucoup. Mais le passé est mort et parsemé d'échecs. Pour le moment, personne n'est parvenu à accomplir ce qu'il allait ordonner à son fidèle, bien que d'autres quêtes se sont passées à merveille. On verra bientôt de quoi ce jeune homme est capable. Sur bien des plans...

[J'ai fait bref, mais je vais me rattraper par la suite ^^]

Architecte

Lorsqu'Aël posa sa question, il put deviner que le fin sourire de son interlocuteur s'était étiré. Il semblait... satisfait? Sa question lui plaisait donc? Les yeux pétillants de l'Ombre qu'il avait en face de lui pétillaient, il semblait le regarder avec amusement... Etait-ce une sorte de test, qu'il avait passé sans même s'en rendre compte? Après tout, qu'importe... Il préférait voir cette expression qu'une autre sur le visage de son interlocuteur, car il n'aurait voulu pour rien a monde le mécontenter...

Ce dernier posa d'ailleurs ses coudes sur la table, et joignit ses doigts au-dessous de son menton. Aël le regardait, immobile, attentif. Il allait enfin savoir qui était cette Ombre... Enfin, il le supposait du moins. Après tout, n'avait-il pas dit qu'il répondrait à ses questions?

"Oui, bien sûr, mon fils."

"Mon fils"... Se pourrait-il que? Mais Aël n'eut pas le loisir de pousser sa réflexion plus loin, car son interlocuteur poursuivait déjà.

"J'en oublie les usages... Je suis celui qui préside à tous les Conseils des grands-prêtres, je suis celui que mena au combat tous les ancêtres de ton peuple, je suis celui que Tu pries tous les jours..."

...
Son interlocuteur n'était donc autre que le divin Alarin, le Père de toutes les Ombres, leur Dieu? Il avait donc l'honneur immense de rencontrer celui-ci? Il avait bien entendu les rumeurs qui disaient qu'il s'incarnait parfois dans le Temple, mais de là à le voir... à le rencontrer...

Il mit aussitôt un genou en terre, d'un geste fluide, baissant les yeux pour que le Dieu ne puisse pas lire sa stupéfaction, qui lui aurait sans doute déplu... Il mit une, deux secondes à reprendre, du moins en apparence, le contrôle de lui-même, puis releva le regard vers la divinité, un regard empreint de respect, mais sans crainte.

"Mon Père..."

Sa voix elle aussi était empreinte de respect, et ne tremblait pas, cachant à la perfection son trouble intérieur. Il ne craignait pas le Dieu, non... Il le considérait réellement comme son seul "Père". Il eut une pensée pour son père biologique, son géniteur, qu'il n'avait jamais appelé "Père" d'ailleurs... La divinité était la seule personne qu'il s'était jamais permis d'appeler ainsi...

"C'est un tel honneur pour moi de vous rencontrer..."

Cela, il le pensait vraiment. Il avait encore du mal à réaliser qu'il faisait partie des rares élus qui avaient eu la chance de voir la divinité, et ce sans faire partie de ses prêtres! Et en plus... Il attendait quelque chose de lui... Aël ne savait pas s'il méritait tant d'honneur, mais ferait tout pour ne pas décevoir le Dieu...

[Pas grave ^^]

Dieu des Ombres

Et voilà, c'était fait. Tout le monde était bien fixé. Alarin en était fort aise, car au moins l'autre allait faire tout ce qu'il pouvait pour le satisfaire. C'était sur la bonne voie, d'ailleurs. L'ombre posa un genoux sur le sol lisse et noir du Sanctuaire. Ceci, assaisonné de ses paroles, fut bien agréable pour les yeux et les oreilles du dieu. Toujours souriant, il se leva. Lentement, sans se presser. Ses mouvements étaient fluides, mais dans le noir, on aurait dit qu'il disparaissait parfois pour réapparaitre un peu plus loin. Ensuite, il marcha, sans aucun bruit et gardant les mains dans le dos, jusqu'à son fidèle et s'arrêta devant lui. Les yeux de ce dernier étaient de nouveau posés sur lui. De très beaux yeux. Mais je pense avoir déjà dit que ce petit plaisait énormément à Alarin. Le dieu posa délicatement sa main droite, douce et froide, sur la joue d'Aël et la caressa. Ensuite un de ses doigts se faufila sous le menton et le tira doucement vers le haut...

"Relève-Toi, mon enfant... Viens t'asseoir..."

Une voix charmante, celle d'un hypnotiseur. Ou celle d'un grand séducteur en tout cas. Pour créer un sentiment de pas-assez, il retira sa main, la remit dans son dos et fit demi-tour pour rejoindre son siège et désigner celui à sa gauche au jeune architecte. Un architecte qui allait bientôt découvrir son destin et obtenir une mission.

Alarin s'installa confortablement, se fondant presque dans la pénombre agréable que lui offrait son petit trône. Le froid de la pierre ne le dérangeait pas. Rien ne le dérangeait, il était plongé dans ses pensées. D'abord, ces réflexions tenaient de choses aussi banales que la texture des fesses d'Aël. Mais ceci, allait devoir être vérifié plus tard. Ainsi, il émergea et s'adressa de nouveau à son invité, jouant un peu avec lui et posant une question ridicule, dont il connaissait la réponse.

"Dis-moi, as-Tu beaucoup de travail? Car sinon, j'aurais quelque chose à te demander... C'est très important, pour moi, mais surtout pour le peuple dans son grand ensemble... Pour sa survie. Mais si Tu ne sens pas en Toi la force, je ne vais pas te contraindre, ni te maudire, mon fils. Il est de ton droit d'avouer que Tu ne te sens pas assez fort..."

Quelle cruauté. Maintenant, Aël allait dire oui encore plus vite. Il l'aurait dit de toute manière, mais cela amusait le Père de le voir comme ceci. Surtout que la race élitiste des Ombres ne laissait pas souvent place à la faiblesse...

Architecte

[La texture des fesses d'Aël... XDD]

Le Dieu donnait l'impression, lorsqu'Aël le regardait, de disparaître puis de réapparaître dans l'ombre, chaque fois plus proche de lui. Enfin, ça n'aurait pas étonné l'architecte si cela avait été vraiment le cas... Le Dieu marchait vers lui, silencieux, ses pas ne faisant résonner aucun écho dans la salle gigantesque. Puis Aël sentit une main douce et froide sur sa joue, la caressant avec délicatesse. Un léger frisson le parcourut. Son Dieu avait sa main posée sur sa joue... Quelque part, cela lui semblait irréel, il avait du mal à y croire... Mais il appréciait tellement ce contact... Il avait l'impression - et peut-être était-ce plus qu'une impression? - de sentir pulser la puissance de la divinité à travers sa main... C'était enivrant, vraiment agréable.

Le Dieu glissa ensuite ses doigts sous le menton de l'architecte, l'enjoignant doucement à se relever. A ce geste, il ajouta une injonction de la voix, séductrice. Il lui demandait de prendre place près de lui... Aël faisait de son mieux pour garder la tête froide. Un sentiment éperdu de puissance menaçait de s'emparer de lui... Son Dieu, celui qu'il vénérait plus que tout au monde, lui parlait, lui demandait de se relever devant lui et de prendre place à ses côtés! Il devait rêver... Et pourtant...

Aël se releva lentement, avec des gestes fluides. Son passé d'acrobate - bref mais bel et bien existant - lui avait conféré une maîtrise parfaite de ses mouvements... Pas de geste gauche, pas de tremblement, pas d'hésitation, tous ses mouvements évoquaient une certaine grâce - ou plutôt une grâce certaine. Puis la divinité retira sa main... L'architecte aurait voulu qu'elle reste là, sur sa joue, et ne put s'empêcher de ressentir un léger sentiment de manque, pendant quelques secondes. Il n'en laissa rien paraître, naturellement... Il ne voulait pas risquer le moindre geste qui puisse détourner la divinité de lui...

L'architecte se mit en mouvement, souple, à la suite de la divinité, et s'assit à sa gauche comme elle le lui avait indiqué, d'un mouvement souple. Le Dieu semblait perdu dans ses pensées, sans doute philosophiques à un niveau que ne pouvait même concevoir une simple Ombre comme lui, jeune qui plus est... Puis il sembla revenir à la réalité.

"Dis-moi, as-Tu beaucoup de travail? Car sinon, j'aurais quelque chose à te demander... C'est très important, pour moi, mais surtout pour le peuple dans son grand ensemble... Pour sa survie. Mais si Tu ne sens pas en Toi la force, je ne vais pas te contraindre, ni te maudire, mon fils. Il est de ton droit d'avouer que Tu ne te sens pas assez fort..."

Oui, il avait beaucoup de travail... Mais il ne voulait pas paraître faible aux yeux de son Dieu. Mieux, il aurait tout annulé pour pouvoir prendre en charge ce que voulait lui confier la divinité... Il l'aurait même fait avec plaisir...

"Je me sens assez fort pour effectuer ce que Vous me demanderez, si cela fait partie de mes compétences... C'est avec joie que j'accepterais de Vous servir."

Aël avait parlé doucement au début, puis avec plus de fermeté. Il allait tout faire pour ne pas décevoir le Dieu... Et ce serait un réel plaisir pour lui de le servir... Encore fallait-il qu'il sache ce que la divinité attendait de lui...

Dieu des Ombres

Ah ces mortels. Bien entendu, Alarin ne savait absolument rien des pensées, remarquablement cachées par un visage-masque. Mais le silence respectueux de l'Ombre laissait entendre qu'Aël croyait que son dieu pensait à des choses trop grandes pour lui. Or, ces choses étaient parfaitement proportionnées, à en juger par le regard rougeoyant et expert d'Alarin. Eh oui, quand on se dit qu'on a un tiers de l'infinité de l'univers pour soi, le problèmes du derrière d'un architecte peut paraitre dérisoire. Et pourtant, il s'agissait là d'un fait important que d'en connaitre certains aspects. Aël allait sans doute être une grande distraction de son maître durant les siècles à venir. Il fallait donc bien en étudier tous les aspects.

Et cette magnifique déclaration de fidélité et d'obéissance. Alarin en était ravi. Bien entendu que ce cher Ithun allait faire ce qu'il voulait. Il s'en doutait à le regarder prier dans ses moments libres et à visiter le Temple régulièrement. C'était peut-être LE bon choix, qu'il aurait dû faire il y a longtemps? Enfin, au temps des premières colonies, Aël n'était pas encore né.

"J'en suis ravi. J'étais certain que Tu relèveras le défit. Ce que je veux est simple dans le concept, mais l'exécution nécessitera tous tes talents... Avec les moyens, aussi financiers qu'au niveau de la main d'œuvre et autres, je t'envoies donc à la frontières avec les Terres Brûlées. Tu y bâtiras une colonie pour mon peuple. Une petite ville, avec tout ce dont une ville a besoin..."

Alarin laissa un silence planer. Il venait de lui demander un exploit phénoménal. Les Polymorphes ont réduit à néant plusieurs expéditions... Mais elles furent toutes confiées aux prêtres. Aujourd'hui, un architecte, avec une vision nouvelle, devait y aller. Bien entendu, son dieu allait lui donner plus qu'une bénédiction inutile.

"Le Temple sera à ta disposition et tous ses moyens sont les tiens. Consulte d'abord les cartes de la bibliothèque pour trouver un lieu... Et ensuite Tu pourras partir, avec toutes les ressources et personnes dont Tu auras besoin..."

Les prêtres avaient tendance à être radins avec leur trésor. Une personne tierce devrait pouvoir se débrouiller mieux que cela. On allait voir... Des questions?

Architecte

"J'en suis ravi. J'étais certain que Tu relèverais le défit. Ce que je veux est simple dans le concept, mais l'exécution nécessitera tous tes talents... Avec les moyens, aussi financiers qu'au niveau de la main d'œuvre et autres, je t'envoies donc à la frontières avec les Terres Brûlées. Tu y bâtiras une colonie pour mon peuple. Une petite ville, avec tout ce dont une ville a besoin..."

.........
Fonder... Une ville? A la frontière des Terres Brûlées, ce lieu où les Ombres cherchaient à s'implanter depuis des siècles sans succès? Aël avait écarquillé légèrement les yeux, trop stupéfait pour pouvoir entièrement masquer sa surprise. Il se sentait flatté de la confiance que le Dieu plaçait en lui, mais après tant d'échecs... La tâche lui semblait énorme... Et il doutait un peu d'y parvenir, du moins de la manière que souhaitait la divinité...

Puis, le cerveau d'Aël se remit en marche. Il ne fallait pas qu'il voie la tâche que le Dieu lui confiait comme un bloc, irréalisable... Il devait la décomposer en une série de petits objectifs, plus faciles à appréhender, plus réalisables. Et à la fin, il concrétiserait le projet de son Père... Son visage redevint sérieux, il réfléchissait. Il aurait les moyens financiers et la main d'oeuvre... Cela devrait aller, alors...

"Le Temple sera à ta disposition et tous ses moyens sont les tiens. Consulte d'abord les cartes de la bibliothèque pour trouver un lieu... Et ensuite Tu pourras partir, avec toutes les ressources et personnes dont Tu auras besoin..."

Aël acquiesca doucement de la tête. Avec les ressources du Temple... Cela devrait aller... Il emmènerait sans doute son maître de chantier avec lui, ils travaillaient ensemble depuis longtemps, et il avait une confiance totale dans ses capacités... Maintenant, il avait quelques questions à poser au Dieu, encore...

"Je bâtirai cette ville, Père... C'est un tel honneur pour moi de pouvoir vous servir... Je souhaiterais juste vous poser une question au sujet de la main d'oeuvre: quelle sera-t-elle? Celle que j'emploie habituellement sont des esclaves humains..."

Toujours ce même respect dans la voix, qui ne laissait nullement paraître qu'Aël trouvait la tâche presqu'impossible et qu'il ne voyait pas, pour le moment, par quel bout la prendre... Il trouvait que ces esclaves avaient une résistance limitée, et qu'en les employant, l'oeuvre qu'il avait à accomplir pour son Maître serait longue... Cela devait sans doute se sentir, au moins un peu, dans la tournure de ses phrases. Mais, d'autre part, des Ombres n'auraient jamais accepté de travailler comme simples ouvriers... La Divinité lui fournirait-elle une main d'oeuvre de meilleure qualité, ou bien emploierait-il, comme à son habitude, ces esclaves?

Au niveau des ressources, il se posait également des questions... Mais n'allait pas ennuyer le Dieu avec des questions purement financières... Il ne doutait pas qu'il trouverait un prêtre qui pourrait lui dire de quelles ressources le Temple disposait précisément... La seule autre question qu'il avait était au niveau de l'esthétique...

"Ce sera superbe, une Ville toute de granit noir entourée de sable... A moins que vous ne préfériez l'emploi d'un autre matériau?"

Son ton, sans rien perdre de son respect, était devenu... plus professionnel. Son interlocuteur était bien évidemment son Dieu, le Père de sa race, mais il était également un "employeur"... Qu'il se devait de satisfaire au mieux. Il bâtirait cette ville... Et la divinité serait satisfaite de lui. Pourquoi voulait-il tellement qu'elle soit satisfaite? Cette question, il ne se la posait pas encore... Et pour le moment, de toute façon, il n'aurait pas eu de réponse... Il ne savait pas encore ce qu'il pouvait retirer de cette affaire, et curieusement, n'y avait même pas encore pensé... Pour le moment, il avait toujours un peu de mal à appréhender le fait qu'il était assis là, à discuter avec le divin Alarin, et qu'il avait accepté de bâtir une ville en son nom...

[C'est un peu long, peut-être ^^"]

Dieu des Ombres

Le dieu ne s'était trompé. Ce garçon était un professionnel. Il saura mettre de côté les dogmes de la religion et de travailler pour le résultat. Les prêtres privilégient trop les moyens. Ils n'ont pas l'esprit pratique. Or, Aël allait bâtir cette colonie avec toutes les forces de sa personne, sans pour autant perdre de vue le fait que s'il ne priait pas à des heures fixes, rien n'allait l'empêcher de travailler. Un ecclésiastique abandonnerait le chantier en plein milieu pour se recueillir. Parfait, parfait. Et sa surprise, quel délice de le voir avec ses grands yeux.

Sa question était judicieuse, mais elle dévoilait une partie de sa personnalité. Homme de la réussite et professionnel, l'architecte ne s'était visiblement jamais occupé de la politique, chose normale, vu que ceci était réservé aux prêtres et à l'aristocratie. Il parvint cependant à soulever une question intéressante. Il est vrai que les ombres éviteront de travailler comme ouvriers. Ce peuple était devenu arrogant, comme son dieu. Les ombres d'aujourd'hui oubliaient que Sanctis, la merveille de ce monde, fut bâtie grâce à la sueur, le sang et la force animée par la foi de leurs ancêtres. Ce fut aux temps lointains, où les humains étaient des partenaires, des aînés de cette race. Car inutile de dire que les ombres ne dominaient pas le monde du jour au lendemain. Ce fut d'abord du travail, de la survie en des temps où la Nature avait le dessus sur les trois races intelligentes.

Dans toute son expérience et la connaissance de la société, dont il gravit les échelons, Aël oubliait un détail important. Un détail que le dieu voulait lui montrer. Il rit et soupira, secouant la tête. Il se leva ensuite et fit un large geste en direction du mur opposé à la porte. Une large fenêtre, aux limites floues et mouvantes, apparut. Elle montrait un panorama de Sanctis, vu de haut. En effet, le sanctuaire se trouvait dans une partie supérieure du Temple. Écartant les bras, Alarin indiqua toute la ville à son interlocuteur, lui tournant en partie le dos.

"Regarde. Le trésor du Temple ne réside pas uniquement dans les pierres précieuses et dans l'or ou l'argent. Tu oublies que Tu es mon élu. Les nobles les plus puissants iront porter, eux-mêmes, les blocs de granit pour Toi. En Mon Nom. Tu as là une main-d'œuvre dépassant les humains..."

Le dieu baissa les bras et se tourna vers l'architecte. Il avait un petit sourire et ses yeux rouges fixaient Aël avec amusement. Il poursuivit.

"Prend les humains avec Toi, Tu en auras besoin... Mais ne vise pas trop haut... Commence par ce qu'il y a de vital. Une forteresse. Sans cela, nos ennemis viendront anéantir tout ton œuvre. Et étends les constructions petit à petit. Tu ne bâtiras pas une seconde ville comme Sanctis d'ici la fin de ta vie... Mais Tu seras un guide pour ce peuple qui doit voir que dans son travail réside la clef de la victoire."

Oui, ceci serait une bonne leçon pour ces mortels... Quel matériau? Hum... Il eut un moment de silence. Alarin y réfléchit, quand une idée lui vint, dans son esprit torturé. Une chose tout aussi importante pour la survie que les murailles.

"Le granit est très bien. Cependant, je te conseille de travailler de paire avec un prêtre... Ta science et sa magie pourraient bien te permettre de mettre au point des serres agricoles difficiles à détruire. Il faudra bien nourrir la colonie... C'est pour cela que je propose l'annexion permanente d'une oasis... Enfin, je laisse ceci pour Toi..."

Une cloche de verre protégeant la nouvelle ville, son point d'eau, ses champs... Magnifique, si on y arrive. si certains polymorphes savaient voler, ils allaient l'avoir bien mauvaise et Denehbe avec. Parfait... Parfait...

Architecte

Lorsqu'Aël posa sa question, le Dieu rit et soupira en secouant la tête. L'architecte rougit légèrement, absolument mortifié en voyant cette réaction. Il avait posé une question tellement stupide que cela? Il s'était plus que probablement ridiculisé aux yeux de son Dieu... Pour une fois qu'il rencontrait LA personne qu'il vénérait et adorait plus que tout, il arrivait à lui donner une mauvaise impression de lui, alors qu'il faisait généralement bonne impression sur tous... S'il n'avait pas pris cela tant à coeur, Aël aurait presque pu en rire... Presque.

Mais le Dieu ne fit pas de commentaire ironique ou moqueur. A la place, il se leva et, d'un large geste du bras, fit apparaître une immense fenêtre aux contours mouvants sur le mur. Aël garda un instant ses yeux fixés sur ceux-ci, fasciné, avant de reporter son attention sur le Dieu, et sur le panorama que la fenêtre offrait au regard. Il lui semblait incontestable que la puissance de l'être qu'il côtoyait en ce moment même dépassait l'entendement... Ses propres pouvoirs n'étaient que limités, "tout juste bons à faire tenir deux bouts de bois ensemble", pour reprendre les mots de son "professeur" d'acrobatie, de nombreuses années auparavant.

L'architecte acquiesca de la tête lorsque le Dieu lui parla de forteresse. Bien sûr, c'était indispensable... Mais une question faisait tout doucement surface dans son esprit: "les nobles porteraient des blocs de granit eux-mêmes pour lui", selon les propos de la divinité, parce qu'il était l'envoyé d'Alarin, le Père Tout-Puissant des Ombres... Mais comment le sauraient-ils? Comment pourrait-il faire valoir ce "titre"? Après tout, des envoyés d'Alarin, il était fréquent d'en croiser dans la rue... Ils haranguaient les passants avec leurs yeux rouges et leur haleine qui sentait l'alcool, les exhortant à leur faire des dons "pour que le Père nous aide, et que ces fonds ne servent pas à acheter les nouveaux candélabres en or du temple"... C'était une époque troublée idéologiquement. Les Ombres, du moins la plupart, perdaient petit à petit la foi...

Ecoutant les paroles d'Alarin, l'architecte se fit une nouvelle réflexion: sa vie allait encore durer plusieurs siècles, très certainement... Une oeuvre comme Sanctis était donc tellement difficile à réaliser, si bien qu'avec la main-d'oeuvre et les ressources nécessaires, sa construction nécessitait plus de quatre siècles? Même en en faisant une réplique plus réduite? Ou bien était-ce là le présage d'une mort précoce pour Aël, laissé sous-entendre volontairement ou involontairement (quoique, il en doutait, vu la perfection de l'être à qui il parlait) par le Dieu...

L'annexion d'une oasis... Excellente idée également. Aël se gifla mentalement pour ne pas y avoir pensé. Il se sentait tellement bête, à côté de son Dieu et Maître... Il allait faire ce qu'il lui disait, bien entendu. C'aurait été folie que de le contredire...

"Bien, mon Père... Penseriez-vous à un prêtre en particulier, avec lequel je devrais travailler?"

Juste après avoir posé cette question, Aël se traita mentalement de crétin, et toute une clique d'adjectifs plus fleuris les uns que les autres qui vont avec. Il n'aurait pas dû demander cela... Quel Dieu avait des préoccupations aussi basses, aussi terre-à-terre que cela? Il allait certainement passer pour un rustre à ses yeux... Deuxième fois qu'il ferait mauvaise impression en moins de cinq minutes. Bien joué, Aël. Il hésita un instant, puis reprit:

"Au sujet des Ombres... Ma question va peut-être vous paraître stupide, mon Père, mais..." Aël hésita légèrement, puis continua. "Comment pourrai-je les convaincre" *mieux que les charlatans qui trainent dans les rues* "que je suis bien Votre envoyé, et que j'agis selon Vos désirs?"

Dieu des Ombres

La jeunesse. C'est tellement beau, empreint de naïveté et d'une douce forme d'ignorance. Alarin se souvint de sa jeunesse à lui. Il avait un Père qui lui expliqua tout ce qu'il y avait à savoir. Tout, littéralement. Aël n'avait jamais eu ce privilège. Malgré sa foi, que même le dieu pouvait sentir, malgré son manque de pouvoirs dans ce domaine, il doutait. Il pensait comme quelqu'un qui ne concevait pas le concept du divin. Si le créateurs de toutes les Ombres disait quelque chose, ce qu'il avait bien raison. Il allait donner le pouvoir à son architecte, l'élever au-dessus de tous, en faire un saint et un prophète. Ou le condamner à la déchéance et aux pires tourments en cas de défaite...

Mais le dieu ne demandait pas qu'il se place dans la rue et crie des paroles pompeuses pour les foules. Le seul client qui s'intéressait à la textures des fesses d'Aël plus qu'à la matière qui devrait être utilisée pour la construction de sa nouvelle ville, avait à sa disposition des moyens plus pratiques que les sermons en plein air. Les prêtres du Temple allaient sans doute trouver des volontaires. La parole allait se propager, les nouvelles pouvaient aller très vite. Et puis, cela faisait longtemps qu'il ne fit plus de miracles pour son peuple. Cela manquait sans doute à la populace... Attendons que quelqu'un se dresse contre son émissaire. Alarin esquissa un sourire à glacer le sang.

Sa voix fut un délice, une dague plongée dans du miel. Sous la douceur de sa façon de s'exprimer, on pouvait aisément sentir qu'il était un être froid et capable de tout pour accomplir ces desseins. Le dieu de l'Ordre savait accorder des pouvoirs terribles à ceux qui auraient le courage et la cruauté nécessaires. Il n'aimait pas la pitié, même s'il savait en faire preuve, si cela pouvait être utile. Il posa une main blanche et d'une finesse exquise sur l'épaule de l'architecte. Le pouvoir en émanait. Prisonnier de son sanctuaire, Alarin était tout-puissant ici, en ce lieu... Sa main était proche du cou de son fidèle. Très proche du cou...

"Voyons, mon fils... Mes prêtres te soutiendront... Et je t'accorde le droit de tuer toute personne qui te contredira... Mène les Ombres à la victoire et ta récompense dépassera l'entendement des mortels... Déçois-moi et il en sera de même pour ta souffrance...

Quant à celui qui viendra t'aider... Hum... Tu le rencontreras en chemin... Oui... J'en suis certain. Je guiderai vos pas."

Une fois que cela était dit, Alarin se souvint de l'ecclésiastique le plus dévoué de tous ses contemporains. Tandis que les grands-prêtres étaient des bureaucrates administrant sa ville et les terres voisines, celui-là était animé par un fanatisme rare. Malgré sa nature et ses désirs, il ne se permettait d'avoir des relations avec personne d'autre que le dieu lui-même. Sans jamais l'avoir vu, il l'aimait d'un amour passionnel. Il méritait une récompense, lui aussi... Et son point de vue pourrait s'avérer. Oui... Alarin recula de deux pas et ferma la fenêtre d'un large geste de la main. Ses doigts se mêlèrent dans son dos et il dévisagea son interlocuteur.

"As-Tu d'autres questions, mon fils?"

Architecte

L'architecte frissonna légèrement en sentant la main de son Dieu sur son épaule. Ce contact était tellement... tellement puissant, c'était là le mot juste, et tellement agréable aussi... Un instant, Aël se fit la réflexion que cette main était proche, terriblement proche de son cou, puis n'y pensa plus, se concentrant sur la douceur impitoyable [quelle belle oxymore xD ... ok, je me tais u_u] de la voix du Père. Il était dangereux, et terriblement puissant... Avoir un contact, physique qui plus est, avec une telle personne exaltait Aël. Il était capable de tout, et quelque part, c'était délicieusement effrayant...

"Voyons, mon fils... Mes prêtres te soutiendront... Et je t'accorde le droit de tuer toute personne qui te contredira..."

Tuer... Aël n'avait pas spécialement de remords à tuer, il trouvait juste cela... inintéressant. Inutile. Mais si son Père le lui demandait... Après tout, il gagnerait en crédibilité comme cela, non? Il allait acquiescer mais se retint, car déjà, la Divinité continuait. Et il ne voulait surtout pas l'interrompre...

"Mène les Ombres à la victoire et ta récompense dépassera l'entendement des mortels... Déçois-moi et il en sera de même pour ta souffrance... Quant à celui qui viendra t'aider... Hum... Tu le rencontreras en chemin... Oui... J'en suis certain. Je guiderai vos pas."

Aël n'avait pas peur de décevoir son Père, non... La tâche était énorme, mais il était relativement confiant. Il avait quand même quelque expérience dans le domaine de la construction... Il s'en sortirait. Puis, sa foi, éclairée par sa rencondre avec son Dieu, ne faiblirait pas. Non, elle ne faiblirait jamais. Son âme était bien trop attachée à ce Dieu Parfait, ce Dieu Mythique, ce Dieu Omniscient qu'était Alarin... Il ne le décevrait pas. S'il le faisait, il s'infligerait bien lui-même les pires souffrances, car décevoir Alarin était la dernière chose qu'il voulait au monde...

Puis, Alarin fit disparaître la fenêtre qui leur permettait de contempler la Ville entière, et recula de deux pas en le regardant. Aël ne put encore une fois qu'admirer l'aura de puissance, et le charme certain qui se dégageait du Dieu... Mais le charme faisait sans doute partie intégrante de lui. Il ne devait pas beaucoup s'en soucier... L'amour, le sexe, ce n'étaient que des problèmes de mortels après tout, n'est-ce pas?

Puis, le Dieu lui demanda s'il avait d'autres questions... Il en avait bien évidemment des centaines d'autres, toutes plus futiles les unes que les autres, et l'idée de s'avancer et de poser ses lèvres sur celles du Dieu lui avait même traversé l'esprit. Une infime fraction de seconde. Puis il l'oublia. Il ne ferait jamais une chose pareille... Ja-mais. Plutôt mourir que de risquer d'offenser son Dieu de la sorte... En fait, il n'avait plus de questions, juste un léger doute sur la marche à suivre. Après, il prendrai congé. Il se doutait que la Divinité ne devait pas avoir de temps à perdre avec quelqu'un comme lui...

"Non, Père... Je vais me mettre au travail immédiatement et consulter les Prêtres pour savoir de quelles ressources je dispose... ?"

Aël laissa planer une légère interrogation à la fin de sa phrase. Peut-être Alarin voulait-il qu'il commence par autre chose... Même si cela lui semblait être le plus logique à faire, pour l'instant.

Dieu des Ombres

L'architecte était délicieux. Sous le charme, comme Alarin l'aimait. On pourrait croire qu'un dieu pourrait faire une autre impression, mais cela est faux. Les deux divinités de ce monde ce battent pour qu'on les aime et on leur obéisse. Ce n'est pas du tout évident à obtenir. Bien entendu, elles ont les pouvoirs, l'autorité et les millénaires d'expérience. Cependant, cela ne suffit pas pour conquérir le cœur des foules. Cette fois, il état avantagé. Aël était seul, croyant depuis toujours, et quelque peu écrasé. Quelle petite merveille... Oui, il allait non seulement faire ce qu'on lui avait demandé, mais aussi servir son dieu de tous son corps. Et quand j'écris "tout", c'est tout, jusqu'au dernier centimètre carré de peau et au dernier cheveux... Si cela ne nuirait pas à son image du moment, Alarin passerait bien sa langue sur les lèvres. Mais maintenant, il fit autre chose, plus fourbe.

Avançant vers son serviteur, le dieu des Ombres posa ses mains sur les épaules de celui-ci, le fixant dans les yeux, d'un regard digne d'un hypnotiseur. Sa voix était proche de celle de son propre père, celui qui d'un ordre qui donna naissance à la terre et au ciel. A son échelle, Alarin donnait un ordre similaire: celui de bâtir une nouvelle ville. Son visage était terriblement proche de celui de l'architecte. Alarin n'avait pas besoin d'air pour parler ni pour exister, néanmoins son souffle empreint de froid et pourtant donnant chaud dans chaque corps mortel, effleura le visage d'Aël.

"Oui... Va, mon fils. Ne me déçois pas. Ne me déçois pas et je te donnerai un cadeau dont la valeur dépasse tous les trésors sur cette terre... Va, avec ma bénédiction."

Et les fines et pâles, lèves d'Alarin se posèrent sur le front de l'Ombre en face de lui. Ce fut un baiser chaste, pur et relativement bref. Mais quelque chose d'imperceptible le rendait plein de sensualité. C'était peu-être l'âge, du moins apparent, des deux hommes. Un tel baiser serait une bénédiction de la père d'un vieux père à son fils. Mais entre ces deux hommes éternellement jeunes, cela avait quelque chose d'aussi sacré, tout en gardant un côté malsain et rempli de sous-entendus.

Après quelques secondes de silence, ponctué par un petit sourire, la divinité recula une fois de plus et tourna le dos à Aël. Ce dernier devais bien comprendre qu'il n'avait encore rien gagné. Mis à part un peu d'énergie que le baiser divin lui avait transmis. Les plus sensibles, surtout les prêtres, allaient voir en lui un émissaire du "tout-puissant" Alarin. Pour les autres,... l'architecte devrait faire appel à Lui et le prier de lui accorder un petit coup de main ponctuel. La grande porte s'entrouvrit. Le dieu disparut, se fondant dans la pénombre de la pièce...

[Au plaisir de rejouer avec Toi, dès que Tu le désires... On verra par MP pour la construction elle-même... Biz']

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