Renaissance...

Prêtre

Alrune déambulait dans le temple, perdu dans ses pensées...

A son arrivée à Sanctis, il avait directement rejoint le temple, où devait se dérouler une réunion entre les divers prêtres. Il était arrivé en retard, ce qui lui avait valu quelques réprimandes légères, aucune importance, il se fichait totalement de ces conseils qui n'avaient d'utilité que de savoir à combien allait se chiffrer la somme que détournerait certains prêtres et autres nobles.

Comme à son habitude il était resté muet et discret que sa présence fut vite oubliée, la majorité des gens présent ne juraient que par Alarin, enfin cela découlait d'une certaine logique en étant prêtre, non? Ce dernier devait nous sortir de cette époque désastreuse et nous offrir un monde meilleur, étaient-ils stupides? Ne voyaient-ils pas que les dieux s'amusaient en détruisant ce monde ainsi que les espèces qui y vivent? Alrune avait de la compassion pour toutes les créatures animales ou végétales qui peuplaient le monde, sauf ces abominations...les polymorphes, comment de telles choses pouvaient-elles exister?

Exister, ... ce mot résonna plusieurs fois dans la tête d'Alrune, les dieux existaient-ils vraiment? Certains affirmaient que oui, mais nul ne l'avait jamais prouvé.

Lorsqu'il reprit ses esprits, le prêtre fut légèrement étonné, ses pas l'avaient dirigés vers le Sanctuaire d'Alarin. Étrangement, les portes n'étaient pas gardées, sûrement la prolongation de la réunion à grand renfort de vins et d'alcools.

Il poussa ces dernières, et s'avança au centre de la salle, il esquissa un léger sourire tant la situation était cocasse, puis, Alrune se figea un moment, comme si son corps et son esprit ne savaient quel état adopté à ce moment même.

Il se trouvait dans le Sanctuaire de celui dont il avait remis en cause l'existence quelques secondes plus tôt, celui qui faisait partie de la catégorie qu'il détestait le plus en raison de leurs soi-disant querelles qui avait causés de nombreux ravages jusqu'à maintenant, et surtout...qui avaient engendré une tragédie que Alrune n'oublierait jamais...les Dieux, enfin si ils existaient.

Leur choix fut finalement choisi, le visage d'Alrune se déforma, ses yeux s'écarquillèrent, ses lèvres se tendirent à leur paroxysme: la folie.

"VOUS QUI PRÉTENDEZ CONTRÔLER CE MONDE, VOUS QUI PRÉTENDEZ ORDONNER AUX ÉLÉMENTS. EXISTEZ-VOUS VRAIMENT?!"

Le silence...

Ce dernier fut brisé par un le rire d'un Alrune plus tout à fait lui-même, un rire dément à glacer le sang. Lorsque celui-ci se termina, Alrune ajouta, tout en se dirigeant vers la sortie:

"J'aurais dû m'en douter..."

Dieu des Ombres

Il est évident qu'Alarin ne passait pas son temps dans le Sanctuaire. Les fondateurs de Sanctis lui ont bâti ce lieu pour qu'il puisse présider les conseils des Grand-Prêtres, muni de toute sa puissance. Avec le temps, lorsqu'il eut découvert ce que signifiait l'amour charnel, on fit construire son lit. Énorme et richement ouvragé. A partir de ce moment, commencèrent les "sacrifices" d'êtres vivants. Mais s'il n'était pas là, cela ne signifiait pas qu'il n'entendait et ne voyait pas ce qui se passait dans ce lieu, où le pouvoir magique était particulièrement concentré, ceci dans le but de lui permettre d'entrer facilement dans ce Monde.

Ah... Alrune. Pauvre âme en peine, celui qui doute parmi les croyants. Il était divertissant de le voir se débattre dans ses doutes et sa haine aveugle. Mais il s'agissait d'un de ses enfants. Les temps étaient durs, il ne fallait pas s'acharner sur lui. Le prêtre allait avoir une réponse à sa question, puisqu'il le voulait et venait briser le silence de ce lieu sacro-saint pour son peuple.

La pénombre de la pièce s'épaissit au sommet de la grande table, au niveau du trône d'Alarin. Se rassemblant de plus en plus, et sans bruit (quel bruit pouvaient bien faire des ombres mouvantes?). Finalement, la fine et délicate silhouette du père des Ombres se dessina et concrétisa. Un petit sourire étira les lèvres de la divinité qui se leva et vint faire face à son enfant égaré. Après l'avoir fixé durant un moment, les mains dans le dos, Alarin prit la parole, d'une voix calme, apaisante, paternelle. Mais aussi terriblement séduisante et emplie de puissance.

"Alors, mon enfant... Dis-moi ce qui t'amène..."

Il le savait, ou s'en doutait plutôt. La lecture des pensées n'étaient pas son fort. Mais le comportement d'Alrune indiquait que le petit prêtre cherchait des réponses à des questions existentielles. Et son dieu devait les lui apporter, vu que la mission de cette Ombre était de guider le peuple. Comment pourrait-il le faire, s'il était lui-même perdu? En principe, dans un pareil contexte, les prêtres se mettaient à genoux, devant lui, mais Alarin ne s'y attendait pas vraiment aujourd'hui, de la part d'un hérétique ayant quitté le droit chemin...

Prêtre

Alarin s'était matérialisé, il avait sourit et s'était approché du prêtre, le fixant longuement.

Bien qu'enfait, Alrune était littéralement figé, il était totalement inexpressif, comme à son habitude. Ses yeux d'un turquoise clair et profond étaient plantés dans ceux rouges vifs du Père des Ombres. Cela aurait pu être pris pour un signe de défiance, sauf que ces derniers étaient... vides.

Le corps d'Alrune à ce moment la, était une coquille inanimée, son esprit semblait s'être volatilisé. En réalité, ce dernier luttait contre lui-même, divisé.

D'un coté, son côté croyant, celui qui avait toujours cru en Alarin, et de l'autre, sa haine incommensurable envers les Dieux, ceux qui étaient responsables de la mort de Pandore en raisons de leurs querelles futiles.

Lorsque le Dieu lui adressa la parole, le regard du prêtre se raviva peu à peu, signe qu'il revenait à lui. C'est à ce moment la qu'il constata réellement la puissance de l'immortel qui se tenait face à lui, un être quelconque n'aurait rien remarqué, mais pour un prêtre, la simple présence d'Alarin était écrasante.

Il se mit à rire...

"Vous...existez...donc...vraiment."

Sa voix était légèrement tremblante.

"Pourquoi? Vous qui êtes sensé protéger ce monde, quel plaisir prenez-vous à le détruire? Le nombre d'innocents morts inutilement aux noms des Dieux dépasse l'entendement."

Les tremblements de sa voix avaient disparus, il était parfaitement audible et clair dans ses paroles. Il savait pourtant très bien que celui en face de lui pouvait le balayer d'un simple mouvement de cil, mais il s'en fichait éperdument, peut-être était-ce la ce qu'il cherchait? La rédemption éternelle dans la mort? Qui sait...

Dieu des Ombres

Rien de tel que la mort, au sens propre du terme, n'allait être accordé à ce jeune homme. Au contraire, Alarin décida de discuter avec lui.Si une âme pouvait être sauvée, cela ne pouvait faire du tort à personne. Il secoua la tête et soupira.

"Je sais bien que ta peine est grande, mon fils. Je sais que Tu as perdu un être cher. Mais un jour, Tu vas le retrouver, j'en suis certain..."

Oui, même si cela n'allait pas avoir lieu de son vivant, Alrune devait bien finir par rencontrer sa bien-aimée dans l'au-delà. Toutes les âmes Ombres venaient à Alarin, quelles qu'elles ne soient. Même les prisonniers de guerre finissaient auprès de leur créateur... Quant à la destruction, certes la guerre y était pour beaucoup, et lui, il soutenait cette guerre... Mais uniquement pour protéger son peuple...

"Tu te trompes, mon enfant. Tes paroles sont empreintes de douleur. Mais regarde autour de Toi. Les Ombres sont les artisans de l'ordre et de la construction. Ils bâtissent des merveilles sur mon ordre, cela depuis des siècles. Cependant... Si Tu y réfléchis, Tu verra que la terre et la vie meurent là, où marchent les Polymorphes. Les œuvres de Denehbe sont des monstres responsables des malheurs de mon peuple... Le Temple a été fondé pour préserver la tradition, le savoir des Ombres. Vous êtes tous les gardiens de cette nation. Et c'est à vous de la protéger... A Toi aussi. Cette terre et vaste, mais les Polymorphes continuent à nous attaquer... Comment veux-Tu qu'il arrive quelque chose à Pandore, sinon?"

Il posa une main sur l'épaule de son prêtre. Il le savait malheureux, il ne fallait pas avoir de pouvoirs pour cela. Alors le dieu sourit à son serviteur, comme un père à son enfant. Un être aussi beau, aussi puissant et souriant d'une telle façon, pouvait-il être un monstre responsable de tout ce malheur? Sans doute non...

Prêtre

Les paroles que prononça le Père eurent le même effet qu'une décharge d'énergie pure. Faisant voler en éclats les interrogations d'Alrune.

Aveugler par son désespoir, il avait rejeter la faute sur les Dieux, mais en y réfléchissant, seule Denehbe était responsable. Ainsi que ses créations, ces êtres capable de transformer leur corps qui se faisaient appeler Polymorphes et qui prétendaient au titre de "race" comme les Ombres, des abominations, sans plus.

Les nombreuses batailles qu'il avait vécu dans sa vie, gagnées ou perdues contre ces déchets de la création, peut-importe l'endroit où elles passaient, il ne restait que mort et désolation, les forêts, les villes, les êtres vivants qui furent massacrés au nom de leur soif de domination.

Les Ombres avaient toujours lutées afin d'obtenir un monde meilleur, et c'est grâce au soutien d'Alarin que leur civilisation avait pu vivre et prospérer.

Comment Alrune avait-il pu se laisser tomber aussi bas? Comment avait-il pu renier le Père des Ombres et douter de lui?

Le geste du Dieu ainsi que son sourire eurent raison des derniers soupçons de méfiance du prêtre.

Il s'agenouilla devant l'immortel et inclina la tête:

"Pardonnez moi d'avoir douté de vous maître, mon hérésie est inqualifiable. Je me plierai à la punition que vous jugerez nécessaire vis à vis de celle-ci."

Le prêtre ne su quoi dire d'autre, son crime était au delà de toutes limites. Pour lui, son destin était scellé, il avait oser tenir tête à un Dieu, allant même jusqu'à renier son existence. Seule la mort était envisageable à cet instant là, comment pourrait-il en être autrement? Il espérait juste qu'elle soit rapide et indolore...

Dieu des Ombres

S'il croyait vraiment qu'Alarin allait l'anéantir, il se méprenait complètement. Le dieu n'était pas dupe. Il avait besoin de chaque Ombre, de chaque soldat et de chaque fidèle. Surtout de celui qui venait de retrouver une foi inébranlable. Il allait avoir une occupation. La main blanche de la divinité s'empara, avec une délicatesse infinie, du menton du prêtre et releva sa tête.

"Non, mon fils. Tu as compris ton erreur. Et voilà pourquoi, cette fois, il n'y aura aucune punition. Je t'envoie parcourir le monde. Cherche Pandore et fais payer aux Polymorphes ce qu'ils doivent à notre peuple..."

Il passa sa main sur la joue de la jeune Ombre et sourit encore une fois. Ce garçon allait être utile. Denehbe n'allait pas laisser passer la création d'une colonie. Ainsi, quelqu'un de plus... violent serait certainement le bienvenu dans les parages.

Et n'oublions pas que tout Polymorphe, abattu dans le no-man's-land, allait être un poids en moins pour ce monde.

"Va, mon fils... Va et exécute ma volonté. La nouvelle colonie,... tu as dû en entendre parler... aura sans doute besoin de protection... L'architecte aura besoin de Toi, peut-être... De nombreux dangers l'attendent, lui et son œuvre. Va en paix..."

Alarin déposa un baiser, comme il le fit avec Aël, sur le front du prêtre et le regarda partir, avec un petit sourire. Les choses se déroulaient à son avantage.