Demeure d'Aël - Une bonne trouvaille?

Aël était finalement arrivé chez lui, l'esclave sur ses talons. Il n'était pas mouillé, bien entendu, sa cape totalement imperméable lui avait épargné ce désagrément... Seules les pointes de deux ou trois mèches de cheveux avaient souffert de l'eau que le Père avait déversée sur les mortels. On ne pouvait pas en dire autant d'... Akpess, l'esclave. Aël avait toujours un peu de mal avec son nom étrange. Enfin, ça finirait par venir... Ca finissait toujours par venir.

Mais là n'était pas la question. L'esclave était trempé, et comme la journée n'était pas spécialement chaude, il risquait fort de prendre froid... Et un esclave qui prend froid tombe malade, et un esclave malade a besoin de soins et ne sait plus travailler. Raison de plus pour se soucier des esclaves... L'architecte ne comprenait pas les gens qui offraient à leurs esclaves des conditions de vie déplorables... Bien sûr, ça coûtait moins cher, mais les esclaves s'usaient plus vite, tombaient plus vite malades, et mettaient moins de coeur à l'ouvrage... Totalement inutile. C'était pour cela que les esclaves d'Aël avaient des conditions de vie correctes, on pourrait même les trouver confortables, avec une paillasse sans vermine pour dormir, de la nourriture plus que correcte, qui provenait souvent des restes dont l'architecte ne voulait pas - mais comme il était très exigeant sur la qualité de la nourriture, et que les restes avaient été préparés comme les plats qu'il mangeait, c'était bien supérieur à la nourriture habituelle des esclaves -, la possibilité - et même l'obligation, d'ailleurs - de se laver tous les jours, des vêtements décents pour ne pas attraper froid, ... Ils pouvaient difficilement se plaindre. Surtout que, de temps en temps - pas trop souvent, quand même, pour ne pas les y habituer - ils avaient un petit extra, que ce soit un peu de vin ou de bière, des vêtements moins usés - pas neufs quand même, le profit avant tout -, une après-midi de libre... Cela les encourageait à mettre encore plus de coeur à l'ouvrage car ils savaient que s'ils étaient vendus, ils ne retrouveraient probablement pas des conditions de vie comme celles-là. Tout était calculé. Et comme Aël y trouvait lui aussi son intérêt... C'était parfait.

Aël tira une petite clé argentée de sa poche et ouvrit le portail. Superbe portail de fer ouvragé, sans toutefois égaler ceux des Palais du quartier Ouest qui eux étaient d'argent ou d'or... Le portail restait fermé lorsqu'il n'était pas chez lui, précaution peut-être superflue mais qu'Aël continuait à adopter, que ce soit pour les voleurs ou autres...

Le portail s'ouvrait sur une petite cour carrée, impeccable, aux pavés encore luisants de pluie, puis il y avait la maison, imposante demeure s'élevant sur trois étages, et, à vue d'oeil, certainement aussi profonde que large. Sur le côté, on pouvait voir un étroit chemin menant sans aucun doute au jardin, à l'arrière de la maison. Cette demeure était déjà très grande selon les standards de la ville, mais n'égalait aucun des Palais du quartier Ouest... Pour autant, Aël ne souhaitait pas déménager, même si maintenant, il en aurait certainement eu les moyens. Il appréciait cette habitation pour son confort, sa construction et son aménagement qu'il avait entièrement supervisés, et pour une qualité incomparable, celle que le balcon du deuxième étage, à l'arrière, permettait d'avoir une vue magnifique sur le Temple...

Enfin, il contemplait sa maison sans mot dire, et l'esclave devait avoir froid. Vu comment il l'avait insulté précédemment, il l'aurait bien mérité, mais... Cela restait un investissement. C'était pour ça qu'il ne l'avait pas frappé quand il l'avait insulté précédemment, d'ailleurs. Pas la peine de l'amocher encore plus. Mais il était clair dans son attitude que l'esclave devrait se racheter vis-à-vis de lui s'il voulait qu'il lui soit agréable... Il avait tout intérêt à le faire. Sinon, il travaillerait plus que sa part, et n'aurait pas droit aux mêmes "boni" que les autres. Le cul de la crémière... L'imbécile d'esclave s'était-il seulement rendu compte que la crémière dont il parlait n'était autre que l'éventuel héritier de son ancien maître, Hebdene? Toujours silencieux, l'architecte ouvrit la porte, et entra, s'attendant à ce qu'Akpess fasse de même.

La porte d'entrée donnait sur un couloir haut de plafond, au sol d'un marbre noir aux reflets bleutés, mais aux murs en bois assez clair. La maison semblait beaucoup plus chaleureuse vue de l'intéreieur que de l'extérieur... Aël attendit quelques instants dans ce couloir, puis un humain arriva. Mesurant environ 1m75, la quarantaine, le physique sec sans paraître décharné, il était bien habillé pour un esclave, avec son pantalon de toile et sa chemise claire en lin. Il s'inclina devant Aël avant de se redresser, le regardant sans crainte, même avec ce qui pourrait ressembler à de l'amitié. Le visage de l'architecte se fendit d'un sourire en voyant l'esclave - car c'était bien un esclave.

"Comment s'est passée votre visite, Maître?"

L'esclave était respectueux envers lui, mais pas obséquieux, comme on pouvait souvent le voir. Il ne dégoulinait pas non plus de servilité. C'était presque comme s'il parlait à quelqu'un de la même condition que lui, mais qu'il respectait particulièrement... Akpess serait certainement surpris par sa maisonnée. Et incapable de monter une révolte, car tous les esclaves, à défaut de l'aimer, le respectaient trop pour vouloir se rebeller contre lui...

"Très bien Onthal, merci. J'ai également fait l'acquisition d'un nouvel esclave... Il se nomme Akpess", répondit l'Ombre en désigant Akpess d'un signe de tête. Sa voix était chaleureuse, l'architecte semblait vraiment avoir de l'affection pour l'homme... "Je désire le voir d'ici vingt minutes au salon, sec et propre. Et il n'aura pas besoin de son paquet de cigarettes."

Aël fit un clin d'oeil au fameux Onthal, qui semblait être l'équivalent du contremaître dans la maison, en prononçant la dernière phrase toujours avec le sourire. Ce dernier avait bien compris que, loin de dire une banalité, son maître lui demandait de délester l'esclave de ce paquet de cigarettes... Personne ne fumait, dans la maisonnée. Le maître ne l'avait jamais toléré. Il n'avait pas non plus demandé de nouveaux vêtements pour l'esclave... Ni qu'on lui serve à manger... Il devait avoir fait quelque chose de mal. Et comme Aël ne punissait jamais sans bonne raison, Onthal ne plaignait pas l'esclave. Il l'observa simplement un instant, se demandant ce qu'il avait bien pu faire. Mais il ne poserait pas la question à Aël.

"Bien, maître... Suis-moi, Akpess."

Tout en prononçant ces mots, Onthal fit coulisser un panneau de bois semblable à tous les autres dans le mur, révélant un étroit couloir aux murs blanchis à la chaux, couloir de service assurément. Cinq ou six mètres plus loin, des escaliers s'enfonçaient dans le sous-sol de la maison. Onthal referma le panneau, et Aël alla dans le salon, prenant un plan avec lui pour s'occuper le temps que son nouvel esclave - décevant, certes, mais pas pour longtemps espérait-il - revienne.

Akpess suivit le dénommé Onthal à travers les couloirs de service. Il regardait quel chemin ils empruntaient mais pourtant, toute son attention n'était pas concentrée sur ce dernier. Il repensait au silence lourd qui les avaient suivi durant tout le chemin jusqu'à la demeure, il silence aussi lourd que la pluie était glacée. Combien de fois au cours de ce trajet Akpess avait-il désiré allumer une cigarette, rien que pour se réchauffer ? Pour se calmer également, il craignait ce qui allait lui arriver et maintenant son appréhension ne faisait que grandir. Il savait que plus la punition se faisait attendre, plus elle était dure.

Ils arrivèrent soudain dans les communs. ce devait être la cuisine, plusieurs autres esclaves s'affairaient autours de casseroles d'où s'échappait un arôme divin. Onthal ne prit pas la peine de faire des présentations. Il se contenta de se retourner vers l'esclave et de tendre la main. Akpess détourna la tête mais un autre mouvement de la part de son supérieur lui fit plonger la main dans la poche et déposer son coffre à friandise dans la paume de ce dernier. Le paquet des substances illicites effectua un vol simple vers le paradis des cigarettes avec un billet première classe sur la compagnie Onthal airlines.

*Nous vous remerçions d'avoir choisi notre compagnie et nous vous souhaitons un bon voyage. Adieu, petites cigarettes !*

"Suis-moi Akpess."

L'ordre avait été renouvelé et l'esclave concerné suivit le chef des esclaves jusqu'à une petite pièce attenante. Il lui fut donné l'ordre de se laver en vitesse. Akpess s'éxécuta en se débrouillant avec les moyens du bord qui étaient relativement assez évolués. A tel point qu'il se perdit un peu dans les méandres de la propreté et fut rappelé à temps par Onthal.

"Qu'est-ce tu fiches, bon sang ? Dans cinq minutes, tu dois être au salon !
- J'arrive !"

Akpess se sécha rapidement et rejoignit tout aussi rapidement la première salle où il avaient été. Onthal regardait un instant ailleurs et personne d'autre ne le remarquait dans l'agitation. Sans plus hésiter, Akpess se dirigea vers la poubelle et récupéra les cigarettes. Il les jeta derrière le meuble, un peu plus loin, avant de se redresser rapidement, la taille toujours ceinte de la serviette qu'il avait utilisé.

"Je n'ai pas osé remettre mes vêtements comme le...euh maître, voulait me voir propre. Vous en auriez ?
- Je n'ai pas reçu l'ordre. D'ailleurs, tu ne peux pas non plus y aller dans cette tenue.
- Vous allez m'en donner alors ?
- Non, enlève juste ta serviette et suis-moi.
- Comme ça ?
- Maître Aël a donné un ordre, Akpess ! Obéis sans discuter !"

*Mais euh... C'est pas juste*

Pensa-t-il en posant sa serviette puis en se cachant rapidement derrière ses mains. Il avait beau avoir décidé d'obéir à cet homme qui l'avait frappé, il n'en restait pas moins qu'il gardait sa pudeur. Akpess précéda presque Onthal dans le couloir de service pour se soustraire à la vue du reste de ses compatriotes.

"Dites... Vous pourriez m'en dire un peu plus sur lui ?
- Plus tard ! Nous sommes en retard ! Si tu n'avais pas traîné dans la salle d'eau, tu l'aurais su. Dépêche-toi, nom d'un chien !
- Vous marchez trop vite ! Ralentissez un peu !
- Non ! Ca t'apprendra à traîner !"

*C'est juste que ça faisait longtemps...*

Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'impression de s'être lavé. Longtemps mais il ignorait combien de temps exactement. Cette sensation était étrangement aussi désagréable que familière. Le contremaître ralentit soudainement, pour ne pas dire qu'il s'arrêta brusquement. Il toqua doucement à la porte du salon et introduisit le nouvel esclave avant de se courber respectueusement puis de s'en aller. Akpess baissait la tête face au maître et sentait sa peu le brûler. Honteux de sa nudité, il ne pouvait s'empêcher de rougir.

"Je... Je voudrais m'excuser, maître. Onthal n'a pas voulu me donner de vêtements pour que je me présente à vous."

Il y eut un temps de silence où Akpess se disait qu'il manquait quelque chose. Puis finalement, il reprit :

"Et euh... Je voudrais aussi... m'excuser pour tout à l'heure."

Il n'avait pas pu s'empêcher de prononcer ces mots tout bas, comme s'il était en faute. Il l'était d'ailleurs. Maintenant qu'il était sous les ordres de cet Aël, il n'aurait pas dû faire cela. Bien que sur le moment, de son point de vue, il n'y avait rien d'autre à faire.

[Désolée pour le retard ToT]

Aël s'était installé confortablement dans l'un des canapés du salon pour attendre son esclave - Akpess. Il se faisait la réflexion qu'il devait paraître bien différent une fois propre... C'était pour pouvoir le contempler, l'admirer, le dévorer du regard [HRP: oui je sais, Aël est un pervers u_u] qu'il avait demandé qu'il paraisse nu devant lui... L'architecte aimait tout savoir de ses esclaves, de l'extérieur bien sûr, mais également de manière plus intime... Mais attention tout de même. Il avait dit qu'il aimait les connaître, pas qu'il les forçait à faire quoi que ce soit... Enfin en général.

Pour passer le temps, Aël laissa son regard glisser sur le contenu de cette pièce. Elle était grande et agréable, aux murs recouverts de panneaux de bois clair. Enfin, trois murs étaient recouverts de ces panneaux, le quatrième étant constituée d'une grande baie vitrée dans laquelle une porte coulissante donnait directement sur un jardin verdoyant. Deux lourdes tentures crème pouvaient dérober cet écrin de verdure aux regards des occupants de cette pièce - et par la même occasion les soustraire à la vue de quiconque passerait dans le jardin... La seule porte visible de cette pièce donnait sur le couloir où Onthal était venu chercher Akpess un peu plus tôt, mais une autre existait, habilement dissimulée par un panneau de bois, et permettait aux domestiques de se rendre dans cette pièce sans perturber la vie de la maison par des allées et venues incessantes...
Sinon, quelques tableaux étaient accrochés aux murs, représentant souvent la nature mais parfois aussi des portraits. Deux confortables canapés de cuir noir étaient disposés autour d'une table basse. Un meuble sur lequel trônaient une grande variété d'alcools et une bibliothèque aux allures d'antiquité étaient les seuls autres meubles de la pièce. De toute évidence, cet endroit était fait pour recevoir et non pour la vie de tous les jours...

Contemplant ce qui l'entourait, l'architecte ne vit pas le temps passer, et n'avait même pas jeté un coup d'oeil à son plan lorsqu'il entendit doucement frapper à la porte cachée. Quelques instants après, Onthal entra, accompagné de l'esclave nu, puis fit une rapide révérence avant de se retirer, révérence à laquelle Aël répondit par un signe de tête.

L'esclave semblait... gêné par sa nudité, les joues rouges, la tête baissée - à moins que ce soit du respect? Cela, Aël en doutait quand même... D'après ce qu'il avait pu voir, l'esclave n'aurait pas eu cette attitude si cela avait été uniquement du respect.

"Je... Je voudrais m'excuser, maître. Onthal n'a pas voulu me donner de vêtements pour que je me présente à vous."

Aël indiqua que ce n'était rien d'un petit geste de main. Au contraire, c'était lui qui avait souhaité que l'esclave se présente à lui comme cela... Il parcourait le corps de l'esclave du regard, s'arrêtant sur la courbure de ses épaules, sur celle de ses hanches, sur le galbe léger de ses jambes... C'était vrai qu'il avait une autre allure comme cela... L'esclave était peut-être gêné par ce regard, qui somme toute était un examen en règle de son corps, mais l'architecte n'en avait cure. Il avait bien le droit d'examiner la marchandise...

"Et euh... Je voudrais aussi... m'excuser pour tout à l'heure."

Là, l'esclave avait parlé plus doucement, mais Aël avait tout de même parfaitement entendu. Enfin... Ce serait bien qu'il apprenne à le dire à voix haute. L'humilité était une grande qualité pour les esclaves... Même si la servilité la plus totale, selon l'architecte, était un défaut. Aussi, son visage se fendit d'un sourire et il dit:

"Peux-tu le répéter à voix haute?"

Il exagérait peut-être, mais... L'esclave avait vraiment un beau corps. Et s'il le répétait, cela voudrait sans doute dire qu'il l'acceptait comme maître... Qu'il ne tenterait plus de résister quand Aël lui demanderait quelque chose... Un massage par exemple, pour ne pas dire autre chose. Il imaginait déjà avec délectation els mains d'Akpess lui parcourir le dos, appuyant avec douceur là où il fallait pour le détendre... L'Ombre ne put s'empêcher de rapidement passer sa langue sur ses lèvres. Oh oui, il avait hâte que ce jour arrive. Mais l'esclave lui faisait face, et il ne pouvait donc pas l'admirer en entier... Une bonne trentaine de secondes avait dû s'écouler depuis sa demande à l'esclave. Ce dernier devait être mis mal à l'aise par son examen... Pas grave. Aël détacha ses yeux du nombril de l'esclave, les relevant vers son visage.

"Tourne, s'il te plaît"

C'était demandé gentiment, avec un sourire, mais il n'y avait nulle hésitation à avoir: c'était bien un ordre. Il avait envie de voir le dos de l'esclave, sa chute de reins, ses fesses... Mon Dieu - Aël blasphémait moins qu'il ne le croyait en pensant cela, car il ne connaissait rien des préoccupations matérielles d'Alarin -, ce qu'Akpess devait avoir de belles fesses...

[désolé pour le retard. J'ai eu trois semaines d'exams (à préparer donc) puis maladie. Je ne garantie donc rien de la qualité de ce qui va suivre]


"Peux-tu le répéter à voix haute?"

A cette question, Akpess releva précipitamment la tête oubliant sa honte, une lueur assassine dans le regard.

*Mais c'est qu'il se fout de moi !*

Il avait pincé ses lèvres naturellement. Car ce qu'il pensait ne devait pas sortir de sa bouche et c'était un tic qui le prenait assez souvent. Mais il n'y avait pas besoin d'avoir connaissance de ce tic pour comprendre qu'il n'avait pas vraiment apprécié cette nouvelle demande. Son regard rageur en disait suffisamment long. Il contempla donc un instant son nouveau maître avant de baisser légèrement ta tête -juste de quoi échapper à son regard.

"Je vous prie de bien vouloir m'excuser tout à l'heure pour avoir agi par fidélité envers mon ancien maître."

Voilà. C'était dit. Aël pouvait le prendre comme il le voulait mais Akpess n'allait pas s'écraser comme ça alors qu'il estimait avoir agit légitimement avant. Un peu trop en train de penser à sa colère, il fit quelque chose qu'il n'aurait normalement pas fait. Il se retourna sans hésiter mais il ne négligea cependant pas de changer de place ses mains. Sans trop y faire attention, il avait dû estimer que son nouveau maître ne voulait que voir l'état de son dos. Un frisson le fit trembler un instant. La punition promise allait-elle finalement s'accomplir là ?

*Aïe !*

Voilà pourquoi il voulait le voir nu, voilà pourquoi il voulait voir l'état de son dos. Mince ! Il ne voulait pas ça. Bon, il allait attendre si l'autre confirmait ses pensées ou s'il ne disait rien, il se défendrait. Après tout, il n'estimait pas vraiment qu'il méritait ça. Et en plus, il se faisait confisquer ses cigarettes ! Un soupir s'échappa de ses poumons.

[Enfin, une première inspiration ! Merci beaucoup ! ^^]

Ne pas oublier ? Il était vrai que ni Akpess ni son nouveau maître n'étaient vraiment au courant de son trouble mémoriel. La chose avait donc un piquant qu'aucun des deux acteurs n'était en mesure de comprendre. Peut-être que le seigneur Alarin, sûrement au courant de la scène puisqu'il était au courant de tout, riait sous cape à la mention qu'Akpess devait se souvenir de quelque chose.

"Ne vous inquiétez pas, maître, je n'oublie pas. Au pire, ma mâchoire, elle, s'en souvient."

Le ton était un peu acide mais pas vraiment provocateur. Il fallait dire que le maître avait tapé assez fort et Akpess n'aimait pas plus la douleur que d'autres. Il avait tourné un peu la tête pour pouvoir apercevoir son maître du coin de l'oeil. Parler par dessus le dos, sans voir à qui on s'adressait -ou au pire chercher à voir à qui on s'adressait- était pour lui de l'impolitesse. Mais une fois ceci terminé, il regarda devant lui à nouveau bien que le mur fut le cadet de ses soucis. Il se demandait un peu ce qui allait se passer maintenant, quoiqu'il eut une certaine idée sur la question. Mais il ne cherchait cependant pas trop à penser, ayant déjà un peu accepté son sort et étant d'accord sur le fait qu'il avait été un peu insolent. D'accord sur les faits mais pas sur le fond.

Il se redressa un peu lorsqu'il sentit qu'une chose lui toucha le bas du dos. Puis son maître lui écarta les mains, il sentit un souffle chaud sur sa nuque lui soulever quelques petits cheveux solitaires.

- Ne cache pas le plus intéressant...
- Le plus ?

Akpess se redressa et regarda d'un air légèrement surpris son maître. Puis il croisa son regard et compris. Son visage se fit alors un peu inquiet et un peu effrayé. Ses sourcils étaient plaintifs, sa bouche légèrement entrouverte laissant apercevoir derrière la barrière de ses dents blanches, une langue qui bougeait déjà, prête à parler ou à gémir.

La première chose pourtant qui sortit de cette bouche fut une expiration légèrement angoissée alors qu'Akpess détourna le regard et baissa la tête. Il avait par le même geste, remonté les épaules et arrondit le dos, effleurant de fait les phalanges d'Aël. Sa voix se fit basse comme s'il craignait de dire ses mots :

"Je... Je n'ai jamais..."

IL s'arrêta là car il ne savait pas trop finalement ce qu'il fallait dire, s'il valait mieux subir ça ou le fouet. Il savait juste qu'il pouvait empirer les choses en parlant plus et se mordit donc la lèvre inférieure.

Il y avait un mouvement à la périphérie de sa vision. Nul doute ne pouvait subsister concernant la cause de ce mouvement. Son nouveau maître se plaçait maintenant face à lui. L'esclave gardait toujours la tête baissée. Ses pensées voguaient entre l'attente de la suite et la crainte de celle-ci. Bref, il ne savait pas trop quoi penser et cela le gênait. Il en eut soudain assez de se demander ce que l'Ombre pourrait faire et décida alors de ne plus se torturer mentalement avec cela. Le sage aurait dit qu'il n'aurait rien pu changer de toute façon. Sa mâchoire, de temps à autre, lui rappelait d'ailleurs son impuissance par de douloureux lancinements aussi bref qu'imprévisibles.

C'était justement alors qu'un de ces accès lui prenait qu'une main se posa sur sa peau. Instantanément, la douleur cessa. N'importe qui aurait pu y voir une coïncidence. Akpess n'avait jamais vraiment compris où se situait la limite des pouvoirs que le Grand Seigneur Alarin avait octroyé à ses créatures. Et ne l'ayant jamais compris, il avait peu à peu oublié qu'il y en avait un jour eu une. En ayant, dans son imaginaire, chassé la douleur, le contact avec la main se faisait plus doux qu'il n'aurait jamais pu le croire. Il se faisait d'autant plus doux qu'il n'avait eu pour tout contact qu'un seul coup violent qu'Akpess avait presque déjà oublié. Il avait en tout cas déjà pardonné ce geste à son maître.

A ce contact, l'esclave tourna un peu la tête sur le côté comme pour offrir davantage de surface à caresser. Ses paupières étaient également à demi fermées, sa bouche à nouveau entrouverte comme un appel irrépressible au stupre. Avoir l'habitude de respirer par la bouche était-il un désavantage ? Nul autre ne pouvait le savoir que celui qui gérait leurs destinées. Mais la main se déplaça jusque sous le menton, abandonnant la joue et faisant par la même un nouvel accès de douleur, si bref mais si violent que les larmes de l'humain étaient sur le point de couler. Presque aussitôt, la douleur se calma, amenant un vague soupir de soulagement accompagné d'un léger sourire sur ses lèvres de travailleur.

Il leva ainsi des yeux humides avec un visage légèrement impudique vers son maître qui demandait s'il n'avait jamais goûté à la joie de la chair. Que pouvait-on croire lorsqu'on affichait un tel visage ? Cette question ne retentit même pas aux oreilles de l'humain seulement une réponse bredouillante où on pouvait peut-être distinguer le même mot répété sur un ton bien plus faible et hésitant. Un regard plus pesant qu'un monceau de plomb s'abattit sur les épaules fragiles et quelques peu abîmées de l'humain. Gêné, ce dernier tourna la tête, ne sachant pas quel était le premier des deux hommes à avoir rompu le contact.

L'autre se mit à lui tourner autour, comme un prédateur autour de sa proie ou, plus précisément comme le ressentait Akpess, comme un vautour autour de son cadavre. Lorsque le rapace s'arrêta à nouveau, prêt à se délecter de son festin, prêt à passer la serviette autour du cou et la fourchette dans la main, celui-ci annonça avec un certain désintérêt qu'il se retirait finalement de l'assiette. Les muscles tendus de l'humain se décontractèrent alors quelques peu et il se permit de reprendre la parole du piédestal où le silence l'avait déposé.

"M'avez-vous recueilli pour... enfin, à cet usage ? J'ai vu que vous n'aviez pas l'air de manquer de personnel."

Là, il faut remarquer qu'Akpess n'avait rien commenté de la déclaration de son nouveau propriétaire. La raison en était simple : il ne savait pas si cette susmentionnée déclaration cachait du miel ou du fiel. Ne voulant pas vexer pour se retrouver dans les ennuis ou dans les faveurs du fouet, il avait préféré laisser les paroles de son maître quitte, justement, à la vexer par cette absence de réaction.

Mais il y avait une chose cependant qu'il faut mentionner avant de déposer là notre plume électronique et de partir vers d'autres cieux où résidaient d'autres dieux. Cette chose était la gêne constante qui remontait le long de la mœlle épinière de l'asservi. Cette gêne avait pour l'instant été mise sur le compte des paroles de l'architecte. Pourtant, quelque part, un neurone isolé de son cerveau, plus malin que les autres, sonnait désespérément une clochette d'alarme pour signaler que la souris de l'excuse protectrice ne pourrait pas cacher l'éléphant de la Vérité. Malgré toutes les excuses que le propriétaire du neurone pouvait se donner, deux et deux faisaient encore quatre et non pas trois comme il essayait de se persuader. Mais le neurone était aussi isolé que Crusoé sur son île et la caravelle qui le ramènerait à la destination était entre les mains de l'architecte. Ces mains trouveraient-elles par l'exercice d'une envie luxurieuse qu'Akpess, tout en se gardant d'en être conscient, était dans l'erreur ?

L'esclave baissa un instant les yeux et la tête. Des mèches de cheveux glissèernt sur sa peau, révélant une nuque ornée d'une cicatrice qui la défigurait. L'ensemble, s'il ne pouvait être qualifié de beau, pouvait l'être de l'adjectif 'attirant'. Plus que son corps en lui-même, c'était cette attitude qui pouvait troubler. L'innocence de son âme était pervertie par la justesse de mouvements parfaitement aguicheurs dont lui-même n'avait pas conscience.

"Chaque paire de bras ? Alors mes deux mains seront à vos ordres, monseigneur."

Sa soumission était renouvelée et sa voix parfaitement neutre. Une neutralité qu'il ne contrôlait pas plus que le reste mais qui était due au fait qu'il ne savait pas trop quoi penser lui-même. L'analphabète ne savait s'il devait se réjouir de sa nouvelle position. Il se posait également un tas de question sur son propriétaire mais n'oserait pas les lui poser lui-même. Le souffle de l'humain était comme une brise minuscule parmi ses cheveux. Il vit deux pieds s'approcher vers lui et leva la tête en reculant.

Le recul était machinal. Il n'y avait eu aucune peur sauf peut-être la crainte du torticoli. Regarder un être plus grand que soi provoquait parfois cette crispation chez Akpess. Un peu éloigné, il put lever des yeux dans des lacs d'une profondeur insondable. Les paroles de l'Ombre parvinrent à ses oreilles mais seule l'initiative du maître arracha l'esclave à son hypnotisme. Il sentit sur ses lèvres comme la douce morsure d'une limace, comme le souffle brûlant de la brûme brune. Dans son coeur, devant ses yeux, passa une image fugace, une impression de marécage et une envie de désert.

Son cerveau lent en était encore à essayer de dissocier la fiction de la réalité, la vie de l'imaginaire que le contact était déjà rompu. Déjà, le jeu du vent et de l'air reprit son droit sur ses lèvres en poussant un rire de papier. Déjà, l'esclave se retrouva seul debout dans le salon. Et déjà, l'esclave porta la main vers sa bouche et la pulpe de ses doigts effleura ses lèvres, comme un papillon l'aurait fait sur une fleur trop belle pour en boire le nectar. Akpess avait légèrement détourné la tête, légèrement écarquillé les yeux, n'en revenant pas d'une surprise trop douce pour être vraiment digne de confiance.

A nouveau son souffle passait entre ses dents blanches, frôlant ses cicatrices pour se perdre en direction du maître. Ce fut vers ce dernier, qu'une fois revenu de sa surprise, Akpess porta le regard. Le coeur de l'humain oscillait encore entre la surprise et l'expectative. Un embryon de sourire apparaissait sur son visage comme un fin rayon de soleil s'essaie à chasser les nuages de l'ignorance et de la peur. Mais les mots ne venait pas dans la bouche de l'esclave. Pas plus qu'une décision dans son neurone. Il fallait dire en toute sincérité que si Akpess n'avait pas été brun, il aurait mérité d'être blond. Tout dans sa chair évoquait l'attitude d'une jeune vierge effarouchée mais pourtant avide de découvrir ce qui lui avait été interdit dans sa jeunesse.

"Vous ne voulez pas me forcer mais je ne peux pas."

L'esclave crut entendre un soupir ou seulement était-e une bourrasque de vent dans les arbres mais il s'empressa de continuer :

"Cependant, est-ce que vous avez vraiment besoin du contesement, du contensement, de l'accord d'un esclave dévoué au maître ?"

Sous cette voix timide perçait le reveil d'un sourire et la trahison d'une envie. Quelque chose dans sa chair, une certaine pudeur ne pouvait lui faire dire ses désirs à voix haute et encore moins à cette heure de la journée. Cela révulsait les rares principes de sa pauvre éducation d'esclave. Pour autant, le problème d'une éducation, le problème d'une morale, c'était ses limites. La témérité du maître et sa sincérité ainsi, il faut le mentionner un tout peit goût pour l'inconnu, lui avait fait atteindre ces limites.