Reset achevé [PV Aël]

*Je suis où ?*

Akpess regarda autour de lui. Des arbres, des grilles, des palais, des gens. Il fit quelques pas sans regarder devant lui et se cogna à une ombre. Il s'excusa humblement avant de faire demi-tour. Sentant le regard de l'autre derrière lui, il commença à courir. Il couru à perdre haleine dans toutes les rues, bifurquant au hasard jusqu'à ce que le souffle lui manque. Alors, il s'arrêta et posa ses mains sur ses genoux se cassant en deux, respirant bruyamment. Un paquet de cigarettes tomba sur le sol. Les doigts encore tremblants par l'effort, il le ramassa et le regarda pensivement :

*Des clopes ? Qu'est-ce qu'elles font dans ma poche ? Eh ! Il y a peut-être quelque chose qui va m'expliquer dedans !*

Mais après avoir retourné toutes ses poches, l'esclave ne fut pas plus avancé. Il serait bien retourné à la dernière adresse dont il se souvenait mais il ne reconnaissait pas les lieux, comment y aller ? L'humain retrouvait petit à petit son souffle. Il se redressa encore, le visage mi désemparé mi habitué. Habitué car quelque part, il avait une vague impression famillière qui lui venait. Ce fut alors qu'un éclair inattendu déchira le ciel. Akpess leva la tête.

*Encore un maître qui a fâché Quelqu'un. Misère !*

La pluie se mit à tomber drue. L'humain égaré se protégea avec sa veste et couru chercher un abri. Après un sprint effréné, ce fut finalement les poumons en feu et chancellant qu'il trouva refuge dans un bâtiment en construction. Akpess frissonna et soupira. Ses yeux se firent vagues, il cherchait une fois de plus dans sa mémoire ce qui s'était passé mais rien. Néant. La pluie tombait toujours, l'humain se sentait désemparé et fatigué. Il s'appuya contre un poteau et se laissa glisser le long, rassemblant ses jambes contre son torse, essayant de récupérer un peu de chaleur. Il ferma les yeux et soupira longuement.

*Qu'est-ce que je fais maintenant ?*

Akpess somnolait la tête sur les genoux à réfléchir à moitié à la situation. Mais il se doutait bien qu'il pouvait réfléchir tant qu'il le voulait, il n'aurait pas la solution à l'énigme. Le bruit entêtant des gouttes de pluie le berçait un peu plus chaque minute. Il n'entendit ainsi pas les pas qui s'étaient arrêté non loin. Les pensées de l'esclaves se trouvaient tellement loin de ce chantier qu'il ne sursauta même pas à la question qui lui fut posé d'une voix d'autant plus sèche que tout ce qui se trouvait ailleurs que sous un toit était mouillé.

*Qui c'est ?*

L'esclave avait relevé doucement la tête, les lèvres légèrement entrouvertes. Puis il se souvint que le ton était lutôt autoritaire et qu'il devait s'agir de quelqu'un de plus important ou disposant de plus de pouvoir que lui. dans un sens, cela ne le surprenait pas : il était à la base de la base. Trouver quelqu'un de plus bas placé socialement était difficile même impossible, même parmi les esclaves. Akpess rebaissa la tête pour se soustraire au regard puis également pour poser la main sur un coin pas trop trempé. Il poussa alors sur ses jambes et se releva. Il se tint droit la tête baissée à contempler les chaussures, pas très propres d'ailleurs, de la personne qui lui avait posé cette question.

*Mince ! La question !*
"Je... J'attendais que la pluie cesse, Monsieur."

Il avait laissé un long temps passer entre la réponse et la question. En même temps, il se sentait un peu indifférent à cela. Il n'y avait aucun irrespect, juste une grande lassitude et une certaine mélancolie. Peut-être était-ce de la faim.

*Peut-être que c'est à cause de la pluie.*

Il ne savait pas mais une autre question rompit le silence imposé par la pluie.

*Mon maître ?*

Un peu surpris, Akpess releva la tête pour répondre à son interlocuteur. Un sourire vint poindre sur son visage. Naturellement, l'humain parcouru la distance qui les séparait et s'empara d'une de ses mains. Il la serra en la secouant un peu et en s'exclamant :

"Oh ! Merci ! Merci beaucoup, Monsieur de bien vouloir m'aider ! Je demanderai à mon maître de vous récompenser pour m'avoir ramené chez lui. Merci beaucoup ! Il habite dans le village de Häm dans la propriété du Soleil Grandiloquant. Merci encore !"
*Oh ! Son nom !*
"Oh, excusez-moi, j'ai oublié de vous dire son nom. C'est maître Rinala Hebdene. Vous devez connaître sans doute monsieur, n'est-ce pas ?"

A cette perspective, l'esclave avait posé la main qu'il avait saisi contre son torse, la gardant serrée comme un signe d'espoir qu'il ne voulait pas lacher. Il avait donné à l'homme le nom du dernier maître dont il se souvenait. Celui qu'il avait eu le jour de son accident. Celui qui avait fait les gros titres bien des années avant pour son assassinat suite à cet incident. Mais cela, Akpess l'ignorait. Sa mémoire avait stoppé juste avant qu'il ne s'en rende compte.

~ Etrange. ~

Ce n'était pas une pensée. C'était une constatation que son corps faisait, son cerveau n'avait rien eu à voir là dedans. Il ressentait cette étrangeté dans son coeur qui se serrait. Soudain, il avait peur. Peur de quoi ? Il l'ignorait. Il ignorait la réponse comme il ne connaissait pas l'existence de la question. Ses mains se crispaient sur celle de l'inconnu qui l'avait surpris. Elles se serraient comme pour ne pas qu'une bonne sensation parte.

*Pourquoi met-il autant de temps à me répondre ? Qu'est-ce qu'il se passe ?*

La respiration de l'humain s'accélérait un peu. Ses yeux tremblaient légèrement alors qu'il dévisageait l'homme. Son visage semblait... Akpess ne savait pas trop quoi répondre mais il semblait bizarre. Ce n'était pas le visage d'un homme qui allait faire une bonne action et se voir offrir uine forte récompense pour avoir aidé un esclave. Plus le temps durait plus Akpess appréhendait la réponse. Elle tomba comme un couperet. Akpess regarda le type avec incrédulité. Ses doigts s'étaient relâché à la nouvelle tout comme sa machoire, maintenant légèrement entrouverte, presque comme un appel luxurieux. Il sentit une main se retirer des siennes et se fut le déclic. Il recula de deux trois pas :

"Ce n'est pas vrai ! Vous mentez ! J'étais avec lui il y a juste..."
*Juste combien de temps ? Est-ce que ?*

L'esclave s'appuyait maintenant à nouveau contre le poteau. Il hésitait.

*Ce n'est pas possible ! Maître Rinala ! Mort ? Lui qui était solide comme un roc ! Mais pourquoi ? Quand ? Quand... Quand, c'est ça la bonne question.*
"C'est pour cela que ça semble si vrai."

Les paroles avaient été murmurées. Soudain l'esclave eu un grand besoin de réconfort. Il le chercha dans ses poches et le trouva rapidement. Il porta une des cigarettes du paquet à sa bouche et se mit ensuite à la recherche d'un briquet. Ses mouvements étaient désordonnés, il fouillait plusieurs fois la même poche et s'emmêlait dans les pans de sa veste. IL avait ce besoin de se rassurer mais en même temps quelque chose au fond de lui, une habitude, lui disait que c'était l'exacte solution, la vérité se trouvait là. Il fut intérrompu dans ses pensées par la demande de son nom.

"Akpess. Akpess Hebdene normalement mais je sais plus quoi penser. C'est tellement... bizarre. Dites, monsieur, vous n'auriez pas du feu ? Et... Est-ce que... Enfin... Je sais pas... Il y a quelque chose de bizarre. Et pourtant, jen'en suis pas plus surpris que ça..."

Il avait ôté sa cigarette de ses lèvres pour parler et à la fin de sa conversation, ses mains s'étaient arrêtées de gesticuler comme il se plongeait dans ses pensées. Des pensées trop lourde pour sa tête puisqu'il regardait maintenant le sol. Il lui manquait une explication. Il n'était pas tout à fait sur non plus que l'autre disait la vérité. Il se sentait un peu perdu, ignorant ce qu'il devait faire, ce qu'il allait faire. Partir peut-être même si cela lui faisait peur.

L'humain semblait réellement incrédule quant à sa réponse. Pourtant, la nouvelle était connue... Et puis, il le traita de menteur. Aël n'aimait pas cela, pas du tout. Son visage se ferma un peu, ses sourcils se froncèrent. La bonne éducation dont avait fait preuve l'esclave jusque là semblait s'être évanouie... Dommage. Puis l'esclave s'interrompit. Il semblait ne pas savoir dire il y a combien de temps il avait été avec son maître, si Hebdene avait bien été son maître un jour... Il ne se souvenait donc plus? Il était amnésique? Assez improbable, mais... possible.

"C'est pour cela que ça semble si vrai."

Ces paroles avaient été tout juste murmurées par l'esclave... Aël haussa très légèrement un sourcil. Il ne comprenait absolument pas ce que l'humain voulait dire... Sans doute était-ce là la suite logique des pensées de celui-ci, mais comme Aël n'était pas dans sa tête... Enfin bon.

L'esclave semblait vraiment perturbé par la nouvelle qu'Aël venait de lui annoncer, il sortit un paquet de cigarettes d'une de ses poches et fouilla fébrilement les autres, avec des gestes désordonnés, sans doute pour chercher du feu. Il fumait pour se calmer? La bonne impression que lui avait faite l'esclave à leur rencontre s'émiettait peu à peu... Aël, lui, ne fumait pas. Il avait essayé, une fois, et avait trouvé cela très désagréable. Et puis, il ne voyait pas l'utilité de se pourrir la santé avec ça, pour somme toute pas grand-chose à part de l'argent en moins...

"Akpess. Akpess Hebdene normalement mais je sais plus quoi penser. C'est tellement... bizarre. Dites, monsieur, vous n'auriez pas du feu ? Et... Est-ce que... Enfin... Je sais pas... Il y a quelque chose de bizarre. Et pourtant, je n'en suis pas plus surpris que ça..."

Irrespect, irrespect, irrespect. Aël en aurait presque grincé des dents. Au lieu de cela, son regard se fit un peu plus froid, et son sourire, un peu moins enjoué. Il n'aimait pas l'attitude de l'esclave dans ses dernières paroles... Ca se voyait, peut-être. Si l'esclave était observateur. Parce qu'un sourire, même moins enjoué, est toujours un sourire...

"Bien, Akpess."

Le reste, ça lui importait tellement peu... Son sourire redevint plus large, et il poursuivit, sans relever l'irrespect de la formulation de l'esclave - Akpess, si c'était vraiment comme cela qu'il s'appelait. Lorsque cela dépasserait les bornes, là, l'esclave le sentirait passer...

"Non, je n'ai pas de feu", poursuivit-il, souriant. "Mais tu ne peux pas rester ici..."

Bien évidemment, ce terrain appartenait à une puissante Ombre de la ville, pour laquelle Aël travaillait, et il ne se gênerait certainement pas de dénoncer l'esclave s'il refusait de sortir du bâtiment... Après tout, il se ferait bien voir de l'entrepreneur et l'esclave ne lui importait que peu pour le moment, donc... Ce serait tout bénéf' pour lui. Par contre, si l'esclave décidait de le suivre, ce serait aussi tout bénéf' pour lui... Situation gagnant-gagnant. Il adorait cela.

"Tu n'as plus de maître, alors?"

Question qui n'attendait pas de réponse, vu que son dernier maître était mort, apparemment... Aussi, il enchaîna rapidement:

"Viens chez moi, tu pourras te restaurer."

Un esclave gratuit, peut-être, alors? Ce serait bien... De toute façon, même s'il refusait, Aël n'allait pas lâcher prise aussi facilement... Toujours souriant, il attendait sa réponse. Cependant, dans sa voix, on pouvait sentir que l'esclave n'avait pas vraiment le choix... Il pouvait toujours essayer de refuser, mais Aël n'était pas certain qu'il réussirait. Pas certain du tout.

[J'ai envie de jouer mon chieur XD]



Akpess fut un peu déçu. Finalement, l'autre n'avait pas de briquet, ni d'allumette. Akpess aurait peut-être pu demander une loupe ou un silex s'il avait su que cela existait. L'idée d'avoir une cigarette sans feu lui semblait aussi utile et désespérante que la vue d'une lampe à pétrole sans pétrole dans une nuit noire. Mais ayant besoin de se rassurer et de déstresser et n'ayant pas vu la présence de chewing-gum ou de cure-dent dans sa poche, il se mit à machônner machinalement le filtre de sa cigarette. La voix de son interlocuteur surgit en lui disant qu'il ne pouvat pas rester ici. Akpess haussa les sourcils et regarda autour de lui. Comment ça il ne pouvait rester ? Mais il ne gênait personne ! L'autre enchaîna tout de suite :

"Tu n'as plus de maître, alors ?
- Bin...
- Viens chez moi, tu pourras te restaurer.
- Je vous remercie beaucoup Monsieur, de votre invitation. Mais je ne voudrais pas vous déranger davantage. Je vais rester ici le temps que la pluie s'arrête. Puis je vais aller voir si Maître Hebdene est vraiment mort et puis si c'est le cas alors je vais aller chez son... Mince, je connais pas le mot. Enfin, chez celui à qui ses propriétés doivent revenir quoi..."
*C'était quoi ce mot ? Pouasse ! J'ai oublié. Pourtant on me l'avait dit.*

L'esclave releva la tête en direction de l'autre personne. C'était étrange, l'autre n'avait pas l'air content.

*Peut-être qu'il ne comprend pas pourquoi je veux faire ça. Je vais lui expliquer.*

et ajouta en souriant innocement :

"Sinon ce ne serait pas très honnête de ma part. Vous ne trouvez pas ?"

Il remit dans sa bouche la cigarette qu'il avait enlevé pour parler à son interlocuteur. Akpess réajusta sa veste sur son dos pour garder un peu plus de chaleur. L'humidié rendait tout plus froid mais parler à cet homme lui avait redonné un peu de chaleur et de courage. Il irait vérifier si son maître était bien mort et aller chez son héritier ensuite si c'était bien le cas. Il demanderait plus tard à quelques passants où on puvait se renseigner sur ce genre de procdure. L'état civil... On ne lui avait jamais appris à faire cela et il ignorait tout à fait où il fallait aller. En attendant, il s'appuya contre le poteau en refermant ses bras sur son torse et en jouant du bout de la langue avec le filtre de sa cigarette qui commençait à se détremper.

["voir une lampe à pétrole sans pétrole dans la nuit noire" => J'adore XD]

L'attitude de l'esclave avait été bien, pourtant, au début... Mais maintenant, il mâchonnait le bout de sa cigarette comme une vieil ouvrier - Aël détestait cela - et regardait autour de lui, dubitatif, comme s'il était chez lui dans la maison qu'Aël faisait construire pour l'un des notables les plus importants de la ville...

Premier point, il le remerciait de son invitation. Qui, il est bon de le préciser, était de ces invitations qui ne souffraient aucune contradiction. Mais cela, l'esclave ne semblait pas l'avoir perçu... Etait-il tellement idiot? Aël aurait jusque là répondu qu'il en doutait, mais, au vu de ces dernières secondes...
Il allait rester ici le temps que la pluie s'arrête. Mais Aël ne lui avait-il pas déjà dit clairement et audiblement, à peine une minute auparavant, qu'il ne pouvait tout simplement pas rester là? L'architecte doutait de plus en plus de la présence d'un intellect développé chez l'esclave... Cela n'avait dû être qu'une illusion, au début...
Il voulait aller voir si "Maître Hebdene" était vraiment mort. Donc il ne croyait pas ce qu'Aël lui avait pourtant affirmé tout aussi clairement quelques minutes plus tôt. De pire en pire...
Il voulait aller chez l'héritier de son maître? Cela ne servait strictement a rien... S'il avait eu une quelconque valeur ou importance pour ce dernier, il l'aurait fait chercher... En outre, un esclave serait bien plus utile à Aël. Et comme disait la loi, "premier arrivé, premier servi", en matières d'esclaves... Un esclave sans maître ne le restait jamais bien longtemps dans les rues de Sanctis.

Quoi qu'il en soit, l'attitude de l'esclave était à proprement parler horripilante, et cela devait se remarquer sur le visage d'Aël. Enfin, pour quiconque était observateur. Ses yeux s'étaient faits plus froids, son sourire avait peu à peur disparu, et un léger pli d'agacement barrait son front.

"Tu viens chez moi, où tu pourras te restaurer."

Il avait repris la même phrase qu'auparavant, mais plus lentement, et d'un ton qui ne souffrait aucune contradiction, cette fois-ci. Il était évident que c'était un ordre, et non plus une demande... Aël regarda un instant l'esclave d'un air indéchiffrable, un peu froid, puis, d'un geste vif, attrapa sa cigarette entre ses doigts et, du même mouvement souple, la lança à terre à quelques mètres.

"Et change ton attitude, s'il te plaît."

De nouveau, l'architecte avait employé le même ton. Le "s'il te plaît" n'était même pas nécessaire vu qu'il ne s'agissait pas d'une demande mais bien d'un ordre. Toute la sympathie qu'il avait pu montrer précédemment semblait s'être évaporée... Il s'en rendit compte, aussi se radoucit-il un peu, un léger sourire éclairant son visage.

"Ne m'en veux pas, mais ta manière de te comporter est très déplaisante."

Il sourit en disant cela. Mais ce sourire pouvait également passer pour une menace... Après, c'était à l'esclave - Akpess, il essaierait de retenir - de l'interpréter comme il le voulait...

L'invitation avait recommencée. Mais Akpess comprenait qu'il ne s'agissait plus d'une invitation. Les syllabes étaient détachées et bien articulée. Une façon de lui dire que son interlocuteur avait un niveau d'éducation mieux que la sienne. Ce qui l'avait toujours un peu vexé. Pourtant, il se fichait de ne pas savoir lire, il se fichait qu'il y en ait d'autres qui le savent. Mais cette manière de le lui faire remarquer lui fit baisser la tête. Il avait baisser la tête pour cacher son regard noir derrière ses cheveux, pour cacher un peu sa bouche pincée.

"Je vous remercie, Monsieur, je n'ai pas faim."

*Non mais !*

Il ne savait peut-être pas lire mais on lui avait toujours appris à se méfier des inconnus qui lui offraient des bonbons dans la rue. C'était généralement des trafiquants d'esclave. Et lui, il était fidèle ! Rinala Hebdene était ou avait été son maître et il restait encore son esclave ou celui à qui revenait ses biens. Sa voix avait été ainsi courtoise mais définitive. Akpess n'était vraiment tête de mule que lorsqu'on le prenait à rebrousse poil. Akpess se doutait bien que ce homme qui le prenait maintenant à rebrousse poil cherchait à le prendre d'une ou l'autre manière. Et ça, il le refusait net.

Il refusait mais le geste brutal de l'inconnu effrita un tant soit peu sa volonté. Suite à la main qui s'avançait avec célérité vers lui, il ne put s'empêcher de reculer un pas en fermant les yeux et en rentrant la tête dans les épaules. Seule la cigarette lui fut arrachée. Mais, suivant la trajectoire du geste, Akpess se demanda si ce n'était pas sa joue qui avait été visée. Son enthousiasme parfaitement refroidi fit qu'il laissa la personne parler. Son visage montrait facilement, outre les cicatrices, qu'il était partagé entre la crainte et la colère, le tout saupoudré par un zeste de honte. Honte d'avoir osé parler ainsi à un libre. Mais cette honte disparu finalement avec la crainte face au sourire de l'homme.

*pour qui se prend-t-il, celui là ?*

"Parce que votre attitude est mieux, peut-être, monsieur ?!!! Vous n'êtes qu'un vulgaire voleur d'esclaves ! Vous savez parfaitement que j'appartiens à quelqu'un d'autre et vous voulez me faire vôtre ?!! Vous osez ensuite me parler de manière ? Si vous aviez des manières, monsieur, vous me laisseriez en paix ! Je sais peut-être pas lire, moi ! Mais au moins, je suis fidèle !"

Akpess s'était dressé, il avait réavancé d'un pas, reprenant de la prestance grâce à sa colère. Il avait même pointé un index rageur vers le menton de l'homme, un libre d'ailleurs. Et bien, on pouvait être libre et ne pas tout se permettre avec les propriétés des autres.

[où est-ce que tu vois les trois insultes ? J'en vois une mais les deux autres...]

Au moins, les dernières paroles avaient le mérite d'être claires et sans aucun sous-entendus. Il n'y avait pas eu que ses paroles qui avaient été claires jusqu'à présent, ses actes aussi : Akpess se massait toujours la joue. Ce simple fait même indiquait qu'il avait affaire à une ombre. La plus faible des ombres valait le meilleur des humains au niveau de la force. Là, nous avions affaire à deux individus moyens.

*M'a presque arraché la mâchoire, c'te enfoiré.*

L'exagération était certaine mais la mandibule avait protesté contre son sort par au moins une fêlure. Il n'e^pêchait que les deux conjuguées avait refroidi la colère d'Akpess. Il ne ressentait plus de haine seulement un profond sentiment d'injustice et de problèmes à venir. Depuis qu'il avait été frappé, il avait gardé la tête baissée. Ses doigts étaient repliés et la main droite collée au corps, tous comme ses coudes. De toute évidence, il cherchait à laisser le moins d'emprise à la tempête.

"Vous z'avez blasphémé..."

La voix était à peine audible mais c'était tout ce à quoi pensait encore Akpess. Ou plutôt, tout ce sur quoi son esprit s'était attardé. Avec un peu de chance, la bruit aurait couvert cette parole qu'il pensait sincèrement et qui était plus une remarque qu'un reproche. L'humain ne bougea pas mais reprit la parole d'une voix à peine plus forte :

"Je... Vous devez prier le seigneur Alarin, non ? Je veux juste que vous faites une promesse sous Ses yeux. Si jamais l'héritier d'Hebdene vient me réclamer, vous me rendrez. Si vous me promettez cela avec le Seigneur pour témoin, je vous servirai."

Akpess avait à peine levé les yeux pour regarder son interlocuteur à travers ses cheveux. Il fallait dire qu'au moindre mouvement, il sentait sa mâchoire pulser. A cause de cela, son élocution n'était pas parfaite : il remuait à peine le menton pour éviter de bouger.

*J'espère que ça va vite se guérir. Quelle brute !*

Pour autant, Akpess se savait tout de même en faute, il n'aurait pas dû parler sur ce ton à un libre, quel qu'il fut.

[les trois insultes: "voleur d'esclave" (celle qui est évidente XD), "qui n'a pas de manières" (sous-entendu), "pas fidèle" (sous-entendu aussi à la fin, mais Aël ne le prend pas dans le sens d'une fidélité maître-esclave xD) Enfin, c'est la manière de percevoir d'Aël ^^]

Blasphémer... Là, Aël ne comprenait pas. Pourquoi cet esclave disait-il qu'il avait blasphémé, à voix basse, comme s'il craignait qu'on l'entende? Etait-ce à cause du "Je te prie"? Aël retint sa colère. Pour ça, ça n'en valait pas la peine... L'esclave semblait déjà avoir suffisament mal à la mâchoire comme cela, et en plus, pour une telle futilité... Ne savait-il donc pas que c'était simplement une tournure de phrase, une formulation courante - et polie - qui était souvent employée... Sans doute pas... Après tout, comment un vulgaire esclave comme lui, qui ne savait ni lire ni écrire en plus, aurait-il pu le savoir?

"Je... Vous devez prier le seigneur Alarin, non ? Je veux juste que vous faites une promesse sous Ses yeux. Si jamais l'héritier d'Hebdene vient me réclamer, vous me rendrez. Si vous me promettez cela avec le Seigneur pour témoin, je vous servirai."

Une dangereuse lueur brilla dans les yeux de l'architecte. Comment l'esclave osait-il mettre en doute sa parole à ce point? C'était totalement inadmissible! En plus, il lui appartenait, maintenant... Il n'allait certainement pas le rendre comme cela, sans aucune compensation financière! Autant le vendre à un marchand d'esclave immédiatement, dans ce cas!

"Je n'ai pas à répondre de mes actes devant toi, pas plus que tu n'as le droit de mettre ma parole en doute."

Sa voix avait repris un peu du timbre froid, mais néanmoins dangereux, qui l'avait animée quelques instants auparavant. Puis, Aël réfléchit mieux. S'il voulait que l'esclave le serve, autant faire ce qu'il demandait, cela ne lui coûtait rien après tout... Et il le lui avait déjà promis... Aussi reprit-il, son visage perdant un peu de sa soudaine dureté:

"Néanmoins, je promets..."

Aël leva les yeux vers le ciel qu'on apercevait à travers le toit à demi-achevé, le ciel grondant sous la fureur subite du Père - pour quelle raison il envoyait la foudre sur eux, mortels, il n'en savait rien, cela devait être au-delà de l'imaginable - et le fixa un instant, avant de regarder à nouveau l'esclave.

"Je promets devant le Seigneur Alarin que si l'héritier de feu Hebdene vient te réclamer, je consentirai à te vendre à lui."

"Vendre", pas "donner". Enfin, le regard d'Aël dissuaderait certainement le jeune esclave de le lui faire remarquer... Et s'il le faisait quand même, il passerait un sale quart d'heure. Et quand Aël pensait cela, il le mettait bien souvent à exécution... Enfin, là n'était pas la question. Aël se détourna, estimant qu'il n'y avait rien à ajouter, et rabattit sur sa tête la large capuche de sa cape.

"Suis-moi."

Ordre bref, clair, avec même un sourire dans la voix. Son masque de bonne humeur avait, semblait-il, repris le dessus. Aël n'était pas mécontent de cette journée, en fait... Il emmenait sa nouvelle possession chez lui. Son nouveau bien, son nouveau jouet. Tous ces synonymes pour désigner... Comment s'appelait-il déjà? Ah oui... Akpess, son nouvel esclave.

[okay, c'était le pas fidèle que j'avais pas vu. Pas mal. ^^]


La douleur lui torturait la mâchoire et son visage le montrait bien. D'ailleurs, il n'arrivait toujours pas à ôter sa main de sa peau. Il n'arrivait toujours pas à relever la tête pour regarder l'inconnu en face. Inconnu qui n'allait pas le rester longtemps car déjà ce dernier accédait à sa demande :

"Néanmoins, je promets..."
- Merci..

Sa voix avait été douce et l'on sentait une once naissante de reconnaissance qui flottait à la surface de cette dernière. La foudre le fit sursauter pendant que l'inconnu, son maître désormais, regardait le ciel. Ce dernier se remit à parler et Akpess sursauta. Il releva la tête et s'exclama sans réfléchir :

"Vendre ? Mais c'est d'un mesquin ! En plus, il vous aurait certainement donné de l'argent pour vous récompenser ! Et puis j'aurais travaillé pour vous ! Vous voulez vraiment le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière, c'est pas possible !"

Ce fut alors seulement que le regard d'Akpess croisa celui de son interlocuteur. Immédiatement, l'humain posa ses mains sur sa bouche et rentra la tête dans les épaules. Une seule pensée lui parcourait le cerveau :

*Aïe aïe aïe !*

Il s'était déjà pris une baffe, son nouveau maître avait mis les choses parfaitement au point quelques secondes à peine plus tôt, l'humain ne doutait plus de la suite.

*Je vais m'en prendre une deuxième !*

Il venait de fermer les yeux et attendit le choc. Seulement, au bout de quelque secondes rien ne vint. Il souleva un bout de paupière comme une tortue pouvait sortir la tête de sa carapace pour contempler les alentours. Et là, l'élément principal de l'alentour faisait demi-tour en lui ordonnant de le suivre. Akpess avala sa salive en répondant un docile "Bien, maître." qui était désormais de rigueur. Néanmoins, la trève ou le calme apparent du maître ne le réconfortait pas. Il se doutait bien qu'il allait goûter directement non pas à la nourriture que le maître lui avait proposé juste avant mais au fouet qu'il avait mentionné. Ce fut sans un mot supplémentaire que l'eclave le suivit en se protégeant tant bien que mal de la pluie avec sa veste.



Une bonne trouvaille ?